Paroles d’artiste

Martine Aballéa

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 603 mots

A l’occasion de son exposition personnelle chez Art : Concept, à Paris, \"Love in Luminaville\", l’artiste Martine Aballéa, répond à nos questions.

Où se trouve “Luminaville”, cette ville aux accents magiques qui donne son titre à votre exposition ?
Luminaville est une ville constituée uniquement de lumières, flottant dans une nuit aux limites indéterminées. Tout y est réduit à sa plus simple expression, mais rayonnante. C’est un peu comme l’esprit d’un lieu.

Que peut-on faire à Luminaville ? Quel voyage nous proposez-vous à travers cette installation ?
C’est un espace mental dans lequel je souhaiterais que les gens se promènent et, éventuellement, s’imaginent vivant là.

Au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, en 1999, vous avez transformé l’espace en “Hôtel passager”. Cette fois, au centre de votre exposition, on trouve un lit accueillant et confortable qui nous invite à un plongeon...
Le sommeil est un moment où l’on s’abandonne. C’est agréable, mais cela peut être effrayant. En plus, on ne peut pas s’en passer. C’est un phénomène qui touche chacun de nous. Quant aux rêves, je m’intéresse principalement à la logique particulière qui y opère, si différente de la logique d’état de veille. On accepte, on comprend parfaitement des choses impossibles dans la vie réelle.

On parle de vos œuvres – installations, affiches ou photographies – en tant qu’“images à habiter” : pouvez-vous développer cet aspect de votre travail ?
Effectivement, j’aime bien que le public s’approprie mon travail. Mes pièces sont des propositions, des amorces de fictions laissées ouvertes, que les gens peuvent intégrer à leur vie s’ils le souhaitent.

Parmi vos nombreux multiples (potions magiques et autres philtres) vous venez de réaliser une œuvre pour le mk2, juste inauguré. Quelle est-elle ?
Pour le complexe mk2, j’ai pensé à des boissons qui auraient un rapport avec le cinéma. Ainsi, j’ai conçu la Boisson Technicolor, en fait une bouteille d’eau dont l’étiquette translucide est colorée dans des tons profonds et vifs, pour moi synonymes du procédé. Puis, au bar, on pourra consommer les “boissons en noir et blanc” : la Boisson d’ombres, la Potion n° 7, et le Fantôme de boisson. Je me rends compte ici que j’ai pensé aux films noirs et d’épouvante.

Vous utilisez des titres enchanteurs pour vos œuvres et vos multiples (Jus des neiges, Potion rose, Fluide floral, Mirror Drink), qui jouent sur l’idée du package ou reprennent des typographies anciennes. Peut-on, à travers cette typographie, détecter une nostalgie du passé ?
Mes typographies ne sont pas si anciennes que ça ! Et surtout, je ne suis pas quelqu’un de nostalgique ! Je suis très ennuyée qu’on m’attribue souvent cette qualité car ce n’est pas du tout mon propos. J’aime jouer avec des éléments de la mémoire collective, mais plutôt comme base de références, à modifier pour construire des histoires/objets/lieux qui existent hors du temps, dans une sorte d’ailleurs où tout est différent mais reconnaissable.

Votre travail a-t-il trait au merveilleux ?
C’est en fait pour moi une étiquette gênante ; j’essaye de m’en débarrasser depuis quelques années déjà... Tout comme la “nostalgie”, c’est pour moi comme une prison ! Cet aspect n’est que rarement inclus consciemment et m’enferme dans un domaine qui n’est pas du tout ma préoccupation. Du coup, j’ai l’impression que cela empêche de voir d’autres aspects du travail, plus importants il me semble.

Quelle relation entretenez-vous avec les mots ?
Les mots sont des éléments puissants, et leurs sens et utilisations varient selon les formes et les contextes qu’on leur donne. J’aime me servir de cela dans mes travaux.

LOVE IN LUMINAVILLE

Galerie Art : Concept, 16 rue Duchefdelaville, 75013 Paris, tél. 01 53 60 90 30, jusqu’au 12 avril.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : Martine Aballéa

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