Art contemporain

Venise (Italie)

Marlene Dumas, droit dans les yeux

Palazzo Grassi - Jusqu’au 8 janvier 2023

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 28 juin 2022 - 299 mots

Tandis que la pointe de la Douane accueille l’Américain Bruce Nauman, le Palazzo Grassi expose la Sud-Africaine Marlene Dumas.

Les deux artistes n’ont pas grand-chose en commun, à l’exception de l’intérêt qu’ils portent au corps. Quand le premier se « sculpte » et se filme depuis plus d’un demi-siècle dans son atelier, la seconde, elle, peint le corps (le sien, celui de sa fille ou de prostituées) sous toutes ses coutures, sans concession. La première salle de l’exposition « Open-end », inoubliable rétrospective de Marlene Dumas à la Pinault Collection, ne fait d’ailleurs pas dans la dentelle, où deux toiles de 1999 accrochées côte à côte représentent une femme, jambes levées, exhibant ses lèvres et ses fesses, et un homme, regardant son sexe en érection. Inspirées par l’imagerie pornographique, ces poses seraient impudiques si elles ne montraient pas autre chose qu’elles-mêmes : de la peinture. Une peinture fluide et transparente, proche dans son rendu de celle de Nina Childress ou de Françoise Pétrovitch, en France. La peinture de Marlene Dumas est celle d’un désir (de peindre, de saisir, de capter, de traduire, de provoquer), qui n’est jamais loin du plaisir charnel, perceptible dans un baiser dégoulinant de peinture (Kissed, 2018), comme dans ces doigts qui se caressent face au spectateur (Fingers, 1999). Mais les corps ne sont pas que sensuels chez Dumas, ils sont aussi politiques quand ils dénoncent l’homophobie (par une série de portraits de grands hommes homosexuels : Gogol, Eisenstein, Pasolini ou Alan Turing dans Great Men, 2014) ou le racisme, en 1985, The White Disease,« la maladie blanche », dénonce autant la peur de l’albinisme en Afrique que la croyance en une suprématie blanche). Ils nous rappellent au passage que l’artiste, née en 1953 au Cap, a connu l’apartheid. Mais même là, il s’agit encore de peinture, de la meilleure qui soit.

« Marlene Dumas. Open-end »,
Palazzo Grassi, Venise (Italie), www.pinaultcollection.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°756 du 1 juillet 2022, avec le titre suivant : Marlene Dumas, droit dans les yeux

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