Manifesta 5 : dure réalité

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 384 mots

La biennale européenne itinérante signe cette année, sous la direction de Massimiliano Gioni et Marta Kuzma, une cuvée sans titre et sans thème, réduite à une cinquantaine d’artistes, comme le veut une toute nouvelle tendance dans l’art contemporain. Désormais, au nombre on privilégiera la multiplication des productions par goût de l’inédit et des découvertes en lieu et place des valeurs sûres plébiscitées l’an dernier à la Biennale de Lyon. Moins d’artistes, moins de têtes d’affiche aussi, pour laisser la place à de nouvelles générations ou des électrons libres professionnels à l’image des trois seuls Français sélectionnés. Marc Quer, Olivier Zabat et Eyal Sivan ne sont pas des débutants mais bénéficient – à l’exception du cinéaste d’origine israélienne plongé au cœur d’une polémique très vive – d’une couverture médiatique plutôt chiche. Olivier Zabat, auteur de films salués dans le monde entier et en compétition au Festival international du documentaire de Marseille, a notamment réalisé Extasy, Martine va au Cambodge, ou Zona Oeste, des vidéos amères et déstabilisantes, traitant de la guerre. Entre champs de mines et petits caïds brésiliens, les protagonistes témoignent, enjolivent la vérité, révèlent une humanité triste qui transperce aussi les univers de Marc Quer. Cet artiste lunaire vu à Paris chez Public, construit des environnements fragiles et bancals d’une pauvreté plastique déroutante. Ses cartons, bouts de parpaings et autres objets usés jusqu’à la corde constituent autant d’amorces imparables du sensible, comme des miettes d’histoire. Quant au cinéaste israélien, ses analyses filmées du conflit israélo-palestinien et ses critiques à l’encontre de la politique de son pays d’origine lui ont valu bien des lynchages médiatiques en France. Soupçonné par certains intellectuels de favoriser l’antisémitisme et de parjurer le film Shoah, Eyal Sivan se veut surtout laïc dans son dernier documentaire polémique Route 181, projeté en mars dernier au Centre George Pompidou. Ces quelques exemples des contributions françaises laissent entrevoir un programme libre tout en controverses et en colères fécondes pour ce Manifesta 5. Surtout dans une région aussi explosive et tiraillée par les antagonismes que le pays basque espagnol où s’est installé temporairement la biennale. De la rumeur politique au paysage culturel, des zones de contingences au pouvoir de l’identité, la cité basque bipolaire deviendra un forum de discussions. Elles promettent d’être vives.

« Manifesta 5 », SAN SEBASTIEN, DONOSTIA, PASAIA, www.manifesta5.es, jusqu’au 30 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Manifesta 5 : dure réalité

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