Maillol rayonne à Roubaix

Et, si vous ne l’avez pas vue, une visite de rattrapage s’impose de toute urgence à La Piscine. Les occasions d’admirer sous un même toit un nombre important d’œuvres du géant catalan sont rares, trop rares. La dernière rétrospective remontait en effet à plus de soixante ans ! On ne boude pas son plaisir, donc, d’autant qu’entre-temps la recherche a évidemment considérablement progressé, notamment dans la compréhension de l’articulation des différentes pratiques de Maillol. Les passerelles incessantes entre les matériaux et les disciplines sont de fait au cœur de sa démarche plastique et philosophique. On peut en effet parler d’une philosophie, d’une idéologie du beau chez cet artiste aussi puissant qu’inclassable. D’après la légende, c’est pour s’occuper pendant que les brodeuses traduisaient dans le tissu ses créations que celui qui était alors peintre a commencé à tailler le bois. Pourtant, comme le racontent en filigrane ses tableaux de jeunesse qui ouvrent magistralement la rétrospective, les ferments de sa carrière de sculpteur sont là dès les premiers coups de pinceau. L’obsession de la ligne, de la forme, et surtout ces visages au regard fuyant et insaisissable, qu’il transposera ensuite inlassablement en 3D, sont déjà omniprésents. Le parcours limpide fait preuve, comme toujours à La Piscine, d’une pédagogie irréprochable. Sans didactisme appuyé, mais, au contraire, par le biais de dialogues éclairants et poétiques, on comprend instantanément sa manière de travailler et l’étourdissante circulation des modèles. Une salle mémorable mêlant dessin, peinture, relief, bois, textile et céramique donne ainsi la sensation délicieuse de pénétrer par effraction dans le laboratoire visuel et mental de ce monstre sacré. Plus largement, l’ensemble de la scénographie est délectable avec ses couleurs exaltant les œuvres, ses contrepoints faisant mouche et un travail de la lumière qui sublime les différents matériaux. Bravo.