Préfiguration

Maïeutique du musée

Le Journal des Arts

Le 18 juillet 2007 - 569 mots

Conçu comme un musée «”¯pour se décomplexer”¯», le Mucem se dévoile avec une première exposition

 MARSEILLE - Progressivement, la greffe du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) semble prendre sur le site du fort Saint-Jean, à la jonction entre les deux ports de la cité phocéenne. Après avoir organisé une série de manifestations dans la très exiguë tour du Roy René – qui, à cette occasion, a reçu pas moins de 120 000 visiteurs –, une première exposition de préfiguration a été montée à l’intérieur d’un casernement plus vaste, situé sur les hauteurs du fort. Remis en état a minima, cet espace est dédié symboliquement à Georges-Henri Rivière, le fondateur du Musée national des arts et traditions populaires, ancêtre du Mucem. Il permet de présenter dans de meilleures conditions la programmation préparant l’ouverture du musée.
Accueilli au pied du site par un fortin en bois dû à Rudy Ricciotti, architecte du futur bâtiment, le visiteur peut ainsi prendre un peu plus la mesure de ce que sera le Mucem à l’horizon 2011. Plus de trois cent vingt objets sont exposés dans une vaste salle, d’une armoire de dot tyrolienne à l’installation de Tom Fecht sur le thème du sida. « Il s’agit d’une réflexion sur la notion de trésor, explique Denis Chevallier, conservateur en chef et responsable de la mission pour le musée à Marseille. Nous interrogeons les visiteurs sur les objets qu’ils côtoient au quotidien et sur les raisons pour lesquelles ceux-ci font sens : ils sont signes d’une identité, porteurs d’une charge émotionnelle ou symboles d’une appartenance à un genre (féminin ou masculin). » L’exposition remplit donc un double objectif : susciter l’envie du public en esquissant une présentation des collections, mais aussi sensibiliser à la problématique complexe du musée. « Le musée de société, c’est un musée en quelque sorte philosophique, l’un des lieux où le précepte socratique “Connais-toi toi-même” oriente l’action patrimoniale aussi bien que culturelle, écrit Michel Colardelle, son directeur, dans l’album qui accompagne l’exposition. Le passé ne peut, de ce point de vue, avoir d’autre sens que de faire comprendre la richesse d’autres systèmes techniques et sociaux, de leurs valeurs morales, la genèse des nôtres, les diversités et leurs systèmes d’élaboration. »

Gâteau de mariage
Présentés grâce aux thèmes classiques du musée de société (utilité, distinction, transmission, fêtes) – et pour une cinquantaine d’entre eux grâce à des baladodiffuseurs remplaçant les traditionnels audioguides –, ces objets, croisant vie rurale et urbain, associent les pièces les plus ordinaires aux plus déconcertantes, tel ce gâteau de mariage hongrois de 1968. Ils dessinent aussi les nouvelles frontières géographiques du musée, c’est-à-dire l’Europe au sens large et le bassin méditerranéen. Une politique d’acquisition est activement menée pour combler les lacunes des collections, notamment par le biais d’enquêtes-collectes, spécificité du travail de l’ethnologue illustrée dans une section de l’exposition. Enfin, attaché à s’ouvrir à tous les publics, le Mucem a initié un partenariat avec les écoles de la ville, offrant la possibilité à plusieurs dizaines d’enfants de prêter leur trésor, le temps d’une brève exposition.

Trésors du quotidien ? Europe et méditerranée

jusqu’au 24 septembre, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, fort Saint-Jean, espace Georges-Henri Rivière, esplanade Saint-Jean, Vieux-Port, 13002 Marseille, tlj sauf mardi, 13h-19h, www.mucem.eu. Album, éd. RMN, 2007, 148 p., 25 euros, ISBN 2-7118-4851-5. - Commissaire de l’exposition : Michel Colardelle, conservateur général, directeur du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée - Scénographie : Karen Guibert - Nombre de pièces : 325

Les travaux démarrent

Très bientôt sera déposé le permis de construire du nouveau bâtiment de Rudy Ricciotti, implanté en contrebas du fort, face à la mer et au château d’If. Pourront alors commencer les colossaux travaux d’infrastructure destinés à arrimer le cube de béton sur ce sol instable. Conformément au projet lauréat du concours, le nouveau bâtiment viendra se greffer par une passerelle au fort Saint-Jean. Mais pour l’heure, il faut d’abord réhabiliter le fort, où le programme prévoit de relever des corps de bâtiment détruits pour abriter la médiathèque et les ateliers pour enfants, restaurer la chapelle pourtant déjà surmontée d’un clocheton neuf, démolir une verrue des années 1970, remettre en état les monte-canons piranésiens permettant d’accéder aux hauteurs du fort… D’ici à l’ouverture, en 2011, le musée sera également doté d’un nouveau bâtiment de réserves, construit par Corinne Vezzoni dans le quartier de la Belle-de-Mai. Et pendant ce temps, le chantier des collections se poursuit : plus d’un million de pièces sont ainsi récolées, numérisées, restaurées et empaquetées pour une longue transhumance de Paris à Marseille.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°263 du 6 juillet 2007, avec le titre suivant : Maïeutique du musée

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