Rétrospective

Magritte, l’œuvre double

Par Emilie Oursel · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2006 - 602 mots

Tantôt peintre, tantôt photographe, René Magritte revient sur le devant de la scène en artiste-poète dans une exposition au Musée Maillol.

PARIS - Primevère (1926), une affiche de cabaret aux couleurs tape-à-l’œil de René Magritte donne le ton de la rétrospective que consacre le Musée Maillol, à Paris, au peintre belge. En effet, « Magritte tout en papier » ne laisse pas en appétit de couleurs. La sélection révéle nombre de gouaches d’une étonnante qualité qui retracent les plus grands chefs-d’œuvre de l’artiste. En 1959, Magritte écrit à Alexandre Iolas : « Les variantes que je fais des tableaux anciens devront être non pas de simples copies, mais des créations qui corrigent ce que les tableaux avaient d’imprécis et d’insuffisant. » C’est dans cet esprit qu’il faut apprécier ces « séries » de gouaches, ainsi que les nombreux collages, affiches et illustrations présentés. Car Magritte approfondissait chaque thème – la quille, l’homme au chapeau, la maison – pour en extraire « la substantifique moelle » (Rabelais). Des variantes qui ne sont pas de simples esquisses, mais de nouvelles œuvres qui apportent de l’eau à son moulin poétique.  Magritte se découvre ici plus indépendant et poète que surréaliste.
À travers son remarquable « brouillon » Les Mots et les images (1929), l’artiste décortique la réalité. Il doute à la manière d’un philosophe, bute sur le langage ou fait une leçon sur le signifiant, le signifié et l’objet. Et le visiteur évolue dans la pensée du poète.
Dans ses correspondances à André Breton, Paul Nougé ou encore Alexandre Iolas se distingue une personnalité qui ne s’attache ni aux modes, ni aux usages. Magritte discute des titres potentiels de ses œuvres avec ses amis, avant de les tourner, souvent, en « cadavres exquis ». Ces lettres côtoient ici les salles dédiées à la période dite du « surréalisme en plein soleil » et de la fameuse « période vache », où Magritte laisse sa rigueur au vestiaire pour afficher les couleurs provocantes du rose, du jaune et surtout de l’or. C’est à cette époque de l’après guerre qu’il se fait le plus libertaire. En 1945, il écrit à l’artiste Pol Bury : « Je désire vivement une efficacité poétique nouvelle qui apporterait le charme et le plaisir. Je laisse à d’autres le soin d’inquiéter, de terroriser et de continuer à tout confondre. »

Magritte disséqué
L’exposition retrace les grandes périodes de l’œuvre de Magritte, sans pourtant s’attacher à un ordonnancement chronologique pointilleux. On pourra regretter que les dessins et affiches se retrouvent esseulés dans deux petits cabinets, tels des satellites de la partie principale de la présentation. Le premier de ces espaces recèle des illustrations graphiques souvent humoristiques, avec de petites merveilles dont Le Goujat (1938). Le second révèle la force de ses images publicitaires, telle la lithogravure Second Film and Fine Arts World Festival of Belgium, Knokke-le-Zoute : from June 18th to July 10th (1949). Mais l’exposition de l’œuvre sur papier reprend avant tout les grands thèmes poétiques développés dans les toiles du peintre. Ce corpus pointe avec précision les procédés techniques utilisés par l’artiste – crayon, encre, grattage, collage, gouache mêlée à l’aquarelle… –, ce grâce aux études menées conjointement par le Centre de recherches René-Magritte de l’Université libre de Bruxelles et la Fondation Magritte, à Bruxelles. Au-delà des analyses scientifiques, reste cependant l’essentiel : le plaisir chatoyant de ces gouaches.

MAGRITTE TOUT EN PAPIER

Jusqu’au 19 juin, Fondation Dina Vierny-Musée Maillol, 61, rue de Grenelle, 75007 Paris, tél. 01 42 22 59 58, www.mu seemaillol.com, tlj sauf mardi et 1er mai, 10h-18h. Catalogue, éd. Hazan, 240 p., 35 euros, ISBN 2 7541 0085 7.

Magritte

- Commissaire de l’exposition : Michel Draguet, directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique, à Bruxelles - Nombre d’œuvres : 190, dont 85 gouaches - Nombre de salles : 9 - Mécénat : Fondation d’entreprise La Poste

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°233 du 17 mars 2006, avec le titre suivant : Magritte, l’œuvre double

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