Bruxelles

L’utopie du tout plastique

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1994 - 465 mots

C’est lisse, ça glisse, c’est beau. L’exposition présentée à Bruxelles par la Fondation pour l’Architecture, s’ouvre sur une phrase de Topor dont l’humour elliptique rend compte d’une époque selon un fil conducteur que l’actualité, écologie oblige, tendrait à bannir des mémoires : le plastique.

BRUXELLES - Marquées par les progrès de la pétrochimie, les années soixante avaient découvert la possibilité de remodeler l’univers traditionnel – celui des pères dont l’autorité sera mise à mal en mai 68 – selon une sensibilité qui faisait rimer polypropylène et polyéthylène. Sous le plastique la plage. Un nouveau monde se met en place alors que les designers, architectes et artistes, puisent dans les nouveaux matériaux des formes promises à révolutionner le monde rendu à la prospérité et à l’opulence des années d’or.

Une conception totale s’esquisse sous des couleurs psychédéliques, dans des harmonies réglées selon les principes de l’art optique, alors en pleine explosion. L’objet se voit magnifié dans la frénésie d’un culte que le disque, la radio ou la télévision propagent. L’éphémère dicte sa loi et s’éprend de l’incassable qui entre dans les cuisines avec les Tupperware venus d’Amérique. Tout se consomme dans l’instant. Nouveau réalisme et Pop art communient au "tout plastique", tandis que des designers révolutionnent le quotidien. Verner Panton crée Cantilever, première chaise entièrement moulée en plastique (1960), les designers italiens optent pour des thèses qui ruinent la fonction au profit du paraître, Jean Maneval métamorphose la maison classique en bulles assemblées (1965), la Multirobe-K, puzzle vinylique de deux cent cinquante pièces, se monte en kit, et Courrèges lance sa collection Hyperbole Vinyle. Le vieux rêve des avant-gardes est enfin devenu réalité : l’art et l’industrie ne font qu’un. Dur ou gonflable, transparent ou bariolé, abstrait ou anthropomorphe, le plastique bouleverse l’univers quotidien et berce les consciences d’un rêve d’opulence que le premier choc pétrolier de 1973 brisera sans crier gare.

En une remarquable mise en scène due à Winston Spriet, l’exposition organisée par Diane Hennebert et Philippe Decelle, à partir d’une collection privée unique au monde, met en scène le rêve d’une époque dans cette abondance artificielle que la mode ranime en cette fin de siècle. Le plastique rentre au musée. Reconnaissance ou ultime signe d’un échec ?

L’utopie du tout plastique, 1960-1973. Fondation pour l’architecture, 55 rue de l’Ermitage, 1050 Bruxelles. Jusqu’au 29 mai, du mardi au vendredi : de 12h30 à 19h ; le samedi et le dimanche : de 11h à 19h. Entrée : 150 francs belges/réductions.
À signaler : un remarquable livre par André Jaumotte, Pierre Loze, Philippe Decelle et Diane Hennebert, accompagne l’exposition et fait le point sur les beaux-arts, le design, l’architecture, la mode. 1200 francs belges sur place ; 1500 francs belges en librairie. 28,5 x 23 cm, illustrations en couleurs. Existe en français et en néerlandais.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : L’utopie du tout plastique

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