Lumière du Nord sur le Grand Siècle

Valenciennes découvre les peintres du cercle de Rubens, Lille brosse le portrait de la ville au XVIIe siècle

Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2000 - 833 mots

Riches de leurs collections du XVIIe siècle, deux musées du Nord ont choisi chacun à leur manière de mettre en valeur ce passé glorieux, flamand puis français : Valenciennes invite à découvrir les peintres actifs au temps de Rubens, tandis que Lille tache de dresser, dans une exposition pluridisciplinaire, le portrait de la ville au XVIIe siècle.

VALENCIENNES/LILLE - Parties intégrantes des Pays-Bas espagnols pendant les deux tiers du XVIIe siècle, Valenciennes et Lille gardent la trace dans leurs musées, mais aussi dans leur patrimoine, de leur culture flamande. Plusieurs tableaux et retables exceptionnels, commandés à Rubens et consorts par les institutions religieuses de la région, font ainsi l’orgueil du Musée des beaux-arts de Valenciennes. À côté de chefs-d’œuvre comme le triptyque de saint Étienne du maître anversois, il conserve une importante collection flamande, riche en artistes dont la carrière s’est déroulée dans l’ombre, ou plutôt “dans la lumière de Rubens”. Proposant autant de variations sur les fulgurances rubéniennes, ces peintres méconnus démontrent un talent indéniable pour se mesurer aux grandes compositions religieuses, allégoriques et historiques. Et ils font mentir Philippe de Champaigne qui, dans une conférence de 1672, considérait injustement que “tous les élèves de ces pays-là aspirèrent à l’envie de suivre directement sa manière et d’en faire une juste copie dans leurs productions, ce qui a changé de face en même temps toute la peinture de ce pays-là, et a borné la réputation de ceux qui ont travaillé depuis lui à celle des copistes de Rubens”. Arnold Houbraken, biographe des peintres hollandais et flamands, porte un jugement moins sévère sur ses élèves “dont certains sont devenus de sérieux maîtres dans l’art”. Évidemment, une telle exposition ne bouleverse pas les hiérarchies : aucun tableau ne peut sérieusement se mesurer à la sublime Pietà de Van Dyck, venue d’Anvers. Toutefois, un Jan Boeckhorst par exemple, dans Minerve bride Pégase avec l’aide de Mercure, se révèle un singulier coloriste, brossant avec maestria le cheval ailé dans une gamme restreinte de blanc, jaune et brun. Trois artistes sont particulièrement bien représentés dans l’exposition : Abraham Van Diepenbeeck, qui fut notamment un graveur inspiré des œuvres de Rubens, Theodoor Van Thulden, proche assistant du maître, et Thomas Willeboirts Bosschaert, aussi à l’aise pour dépeindre Vénus pleurant sur le corps d’Adonis que l’Assomption de la Vierge. Rubens, Van Dyck, Boeckhorst… on retrouve les mêmes artistes dans “Lille au XVIIe siècle”, mais le propos de cette exposition, divisée entre le Palais des beaux-arts et l’hospice Comtesse, dépasse largement la simple évocation de la grande peinture flamande. C’est le portrait d’une ville qu’elle ambitionne de brosser, de La Joyeuse Entrée des archiducs en 1600 aux Réjouissances pour la naissance du Dauphin en 1729, en s’appuyant sur de nombreux travaux d’historiens, dont le catalogue recueille le fruit. Si la conquête de la ville par les troupes de Louis XIV en 1667 – dix ans avant Valenciennes – marque un tournant essentiel dans l’histoire lilloise, elle n’en constitue pas pour autant une rupture, mais “achève de lier fortement deux pays, deux traditions picturales déjà fort mêlées”, comme l’écrit Alain Mérot.

La période qui s’ouvre en 1667 voit surtout l’émancipation du milieu lillois avec des personnalités comme Jacques Van Oost le Jeune et Arnould de Vuez. De ce dernier, l’exposition montre notamment la Foi, une grande grisaille, “retrouvée récemment, en août 1999, avec une soixantaine de tableaux flamands et hollandais des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles à l’occasion de la fermeture de l’hospice Gantois de Lille”, ainsi que le raconte Arnauld Brejon de Lavergnée. Malgré l’influence du classicisme français, la culture flamande reste prégnante, puisque la seule commande importante passée à un artiste est adressée à Charles de La Fosse, le plus rubénien des peintres français (La Remise des clefs). Outre la peinture, le Palais des beaux-arts présente les dessins, les livres illustrés, les tapisseries, et surtout l’orfèvrerie, venue pour une grande part de Belgique. Sans oublier le fameux plan-relief de la ville. Ensuite le visiteur est invité à traverser le vieux Lille, avec ses façades luxuriantes, dont la Vieille Bourse constitue l’exemple le plus spectaculaire, pour rejoindre l’hospice Comtesse, où les period rooms restituent l’atmosphère des demeures du XVIIe. Tandis qu’à l’étage, plans et dessins d’architecture offrent un complément graphique à la découverte de la cité. Ambitieuse, cette exposition souffre toutefois de l’éclatement des lieux et de la complexité du parcours, mais le catalogue apporte un renfort essentiel pour donner toute sa cohérence à l’ensemble.

- DANS LA LUMIÈRE DE RUBENS, PEINTRES BAROQUES DES PAYS-BAS DU SUD, jusqu’au 30 novembre, Musée des beaux-arts de Valenciennes, boulevard Watteau, 59300 Valenciennes, tél. 03 27 22 57 20, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue, éd. Somogy, 120 p., 80 ill., 190 F.
- LILLE AU XVIIe SIÈCLE, DES PAYS-BAS ESPAGNOLS AU ROI-SOLEIL, jusqu’au 27 décembre, Palais des beaux-arts, place de la République, 59000 Lille, tél. 03 20 06 78 00, et hospice Comtesse, 32 rue de la Monnaie, 59000 Lille, tél. 03 28 36 84 00. Catalogue, éd. RMN, 368 p., 350 ill., 280 F.

Le temps de la splendeur

Malgré une vie politique et économique chaotique, Arras connaît aux XIVe et XVe siècles un véritable épanouissement artistique, sous l’influence de mécènes importants comme Jean Du Clercq (1428-1462), abbé de Saint-Vaast. Ce dernier est à l’origine de la commande du retable de Saint-Vaast au peintre Jacques Daret, dont deux panneaux sur cinq sont présentés dans l’exposition. Sauvées des ravages du temps et des hommes, quelque quatre-vingts pièces évoquent le raffinement de la production arrageoise dans le domaine de la sculpture, de l’enluminure, de l’orfèvrerie ou de la tapisserie.
- FRAGMENTS D’UNE SPLENDEUR, ARRAS À LA FIN DU MOYEN ÂGE, jusqu’au 11 décembre, Musée des beaux-arts, abbaye Saint-Vaast, 22 rue Paul Doumer, 62000 Arras, tél. 03 21 71 26 43, tlj sauf mardi 10-12h et 14h-17h, samedi et dimanche jusqu’à 18h. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°112 du 6 octobre 2000, avec le titre suivant : Lumière du Nord sur le Grand Siècle

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque