Galerie

XIXE SIÈCLE

L’Italie ressuscite son passé romantique

Par Isabelle Manca · Le Journal des Arts

Le 28 novembre 2018 - 792 mots

MILAN / ITALIE

Si le romantisme italien connaît d’illustres musiciens, les peintres transalpins sont restés dans l’ombre durant cette période de crise et de recherche d’identité. La Gallerie d’Italia s’emploie à les réhabiliter avec une relecture historique et méthodique.

Milan. L’Italie a-t-elle été un foyer artistique majeur du romantisme ? Cette question que sous-tend l’exposition organisée par les Gallerie d’Italia sonne presque comme une provocation. Car depuis longtemps l’affaire semble en effet entendue. Ce pays qui a engendré quantité d’immenses peintres et sculpteurs serait tombé dans la décadence après la disparition de son dernier géant, Antonio Canova (mort en 1822).

Alors que de nouvelles capitales de l’art s’affirmaient – essentiellement Paris et Londres –, l’Italie n’aurait quant à elle vécu que dans la nostalgie de sa grandeur perdue et n’aurait rien produit de remarquable. C’est la fameuse rhétorique de « l’Italie, terre des morts » decrétée comme un anathème par Lamartine. L’ottocento aurait seulement constitué une période faste pour la littérature, à travers Giacomo Leopardi et Alessandro Manzoni – dont le livre phare Les Fiancés considéré comme le premier roman moderne italien est toujours étudié au collège. Enfin, l’Italie aurait surtout été l’épicentre en Europe de la musique avec Donizetti, Rossini, Bellini et Verdi ; des vedettes incontestées, dont les airs romantiques figurent toujours en bonne place dans les répertoires des opéras du monde entier. En revanche, le domaine des arts visuels ne semble pas avoir généré d’artiste de même envergure. À l’exception du peintre Francesco Hayez, le seul qui jouisse d’une certaine popularité, et encore toute relative.

Grand spécialiste de l’art du XIXe siècle, Fernando Mazzocca ne partage pas ce postulat réducteur et s’est attelé à réaliser la première exposition d’envergure sur cette période oubliée et mésestimée. « Si le romantisme italien est méconnu, c’est parce qu’il n’avait pas encore eu droit à sa grande exposition de réhabilitation. Contrairement à ses voisins européens, l’Italie n’avait pas fait ce travail de fond. Hormis quelques monographies, il n’y avait pas eu d’approche globale du mouvement », avance le chercheur. Les raisons de ce manque d’intérêt sont plurielles, mais s’expliquent en grande partie par la situation peu glorieuse du pays à l’époque. Un pays en perte de vitesse face à des voisins plus forts économiquement et surtout un territoire morcelé en plusieurs états, dont certains sous domination étrangère. À l’instar du creuset du romantisme italien, la Lombardie-Vénétie qui était alors rattachée à l’Autriche. « Or la période romantique qui est comprise entre 1815 et 1848, c’est-à-dire entre le Congrès de Vienne qui découpe le pays et l’Insurrection de Milan et la Première guerre d’indépendance, est passionnante, car ce pays en crise va justement chercher à se réinventer et à se fédérer à travers sa culture », résume Mazzocca. Les décennies qui précèdent le Risorgimento (l’unification italienne proclamée en 1861) coïncident en effet avec une intense quête d’identité et la prise de conscience décisive d’une histoire commune autour de références culturelles partagées. Comme le montre très bien l’exposition, le culte des artistes emblématiques de ce passé commun alimente fortement les arts visuels. Dante, consacré figure nationale, est ainsi omniprésent dans les peintures d’histoire comme dans les petits tableaux troubadours. Les grands hommes comme Le Tasse, Raphaël, sans oublier Léonard de Vinci sont également abondamment célébrés.

Un exposé appronfondi

Cette dynamique de relecture historique, qui n’est pas propre à l’Italie, mais qui trouve là-bas une déclinaison systématique, n’est que l’un des très nombreux aspects de cette exposition fleuve qui explore méthodiquement ce vaste mouvement guère défloré jusqu’ici. Avec une ambition exhaustive, le parcours passe en effet en revue toutes les thématiques structurantes du romantisme grâce à deux cents œuvres, dont près d’un quart inédites ; un chiffre impressionnant qui témoigne du travail scientifique de fond pour exhumer ces pièces dans les collections publiques comme privées. Ces peintures et sculptures, qui ont en outre bénéficié d’une vaste campagne de restauration, sont réparties dans vingt-et-une sections, dont cinq présentées au Musée Poldi Pezzoli, une agréable maison-musée créée par un collectionneur de l’ottocento sise à proximité immédiate des Gallerie d’Italia. Le parcours explore par le menu tous les thèmes du romantisme : l’affirmation de l’individu, la recherche du sentiment et de l’originalité, l’invention de l’iconographie de l’artiste moderne, mais aussi l’apparition de nouveaux sujets issus de sources littéraires, du revival médiéval et de l’actualité la plus brûlante. L’évolution de la sculpture est également passée au crible dans la magistrale salle d’ouverture du parcours qui rassemble des pièces maîtresses, dont le Spartacus de Vincenzo Vela, véritable emblème de la Révolution de 1848 aujourd’hui conservé en Suisse. Autre temps fort, la peinture de paysage fait l’objet d’une vaste présentation permettant de précieuses redécouvertes comme les œuvres d’Ippolito Caffi, de Giuseppe Pietro Bagetti, sans oublier l’École de Posillipo qui constitua un intéressant laboratoire de la peinture de paysage en plein air.

Romanticismo,
jusqu’au 17 mars, Gallerie d’Italia, Piazza della Scala, 6, Milan (Italie), www.gallerieditalia.com, et Museo Poldi Pezzoli, Via Manzoni 12, Milan (Italie), www.museopoldipezzoli.com.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : L’Italie ressuscite son passé romantique

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