Art moderne

Au Grand Palais, à partir du 23 avril

L’impressionnisme avant l’impressionnisme

Orsay et le Metropolitan explorent les origines du mouvement

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 1 avril 1994 - 673 mots

Une importante exposition consacrée à l’aube de l’impressionnisme sera présentée cet automne au Grand Palais. Conservateur au Musée d’Orsay, Henri Loyrette en sera l’un des maîtres d’œuvre. Il commente ici les principales lignes de force de cet événement.

PARIS - Le département des peintures du Musée d’Orsay, la Réunion des musées nationaux et le Metropolitan Museum de New York se sont associés pour cette importante exposition qui retrace un moment clef de l’histoire de l’impressionnisme. Il s’agit pour les organisateurs, Henri Loyrette, conservateur en chef au Musée d’Orsay, et Gary Tinterow, conservateur en charge de la peinture européenne au Metropolitan, de montrer les multiples influences que de jeunes artistes nommés Degas, Manet, Monet ou Renoir, parmi d’autres, ont subies. Les très riches collections des deux musées, complémentaires aux yeux des commissaires, nourriront pour plus d’un tiers l’exposition, qui sera ensuite présentée à New York en septembre.

Le parcours commence en 1859, année où Monet quitte Le Havre pour Paris. Des futurs impressionnistes, qui ont alors près de trente ans, seul Whistler est accepté au Salon. Les pompiers, comme Bouguereau ou Jérôme, y triomphent sans partage. Ceux qui ont parfois été regroupés sous l’appellation d’École batignollaise n’ont pas encore mûri leur style, mais une indéniable connivence et un même mépris pour l’académisme les réunissent. "Notre idée, explique Henri Loyrette, était d’illustrer l’amitié et les influences croisées entre Manet, Monet, Degas, Renoir, Fantin-Latour et les autres, qui jouèrent un rôle si important dans l’émergence d’un style entre 1859 et 1869. Nous voulions aussi montrer comment d’autres artistes ont pu intervenir, qu’ils soient compagnons éphémères des futurs impressionnistes – comme Tissot ou Carolus-Durand – ou au contraire beaucoup plus éloignés comme Courbet ou les membres de l’École de Barbizon." Mais on n’y verra pas de Turner ni de Bonnington.

L’autre ligne de force de l’exposition consiste aussi à ébranler quelques (fausses) idées reçues au sujet de l’apprentissage des impressionnistes. Le paysage n’était certainement pas leur unique préoccupation. Ils ont tous abordé des genres très différents, du portrait à la nature morte. "Les impressionnistes n’étaient pas de purs esprits, dit encore Henri Loyrette. Ils voulaient vivre de leur art. Une des idées les plus répandues contre laquelle nous avons voulu réagir est celle qui consiste à prétendre qu’ils étaient uniquement intéressés par le paysage. Ils voulaient en fait régénérer tous les genres de peinture."

L’exposition est divisée thématiquement et chronologiquement. Une section mettra en valeur l’influence de Barbizon tandis qu’une autre s’attardera sur la peinture d’histoire (que les impressionnistes allaient peu ou prou abandonner vers 1866) avec des œuvres de Manet et Degas. La section dédiée au nu regroupera pour la première fois trois tableaux de Manet (le Déjeuner sur l’herbe, Olympia, et la Nymphe surprise). Elle inclura également la Baigneuse au griffon de Renoir et la Pastorale de Cézanne, qui est une réponse au Déjeuner de Manet. On verra aussi la Femme au perroquet de Courbet, conçue comme une réplique à l’Olympia et qui suscitera à son tour un hommage de Manet. L’exposition s’achève en 1869, quand tous sont enfin en pleine possession de leurs moyens.

Avec cette exposition s’ouvre une nouvelle ère pour les programmes d’expositions, puisque le cycle des monographies s’achèvera, pour cette période, avec les rétrospectives Gustave Caillebotte (qui ouvrira mi-septembre au Grand Palais) et James Mac Neil Whistler (à la Tate Gallery du 18 octobre au 8 janvier 1995, ainsi qu’au musée d’Orsay du 6 février au 30 avril 1995). L’heure est venue, selon Henri Loyrette, de "sortir les artistes de leur isolement en organisant de telles expositions collectives – il n’est pas impossible que ce projet connaisse des développements ultérieurs – plutôt que de découper les artistes en tranches (le jeune Degas, le dernier Monet)." L’impressionnisme a encore de beaux jours devant lui.

"Impressionnisme, les origines, 1859-1869", Galeries nationales du Grand Palais, du 23 avril au 8 août. Réservations dans les Fnac, par Minitel 3615 Fnac ou 3615 Belletel. Catalogue, 520 p., 193 ill. couleurs et 220 N/B. Signalons encore le film de Jean-Paul Fargier produit par la RMN, 52 minutes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : L’impressionnisme avant l’impressionnisme

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