L’homme dans tous ses états

Chaque année, les Rencontres photographiques d’Arles proposent une approche différente de l’art de l’image fixe. Le débat qui en résulte a pu, par le passé, devenir houleux dès lors que l’on abordait les territoires mal compris, ou mal interprétés, du conceptuel. Aussi, afin de calmer les esprits, en est-on revenu depuis l’an dernier à une conception plus classique, sinon plus « rassembleuse ». La direction artistique de l’édition 1998 a donc été confiée à une journaliste, Giovanna Calvenzi, qui occupe d’importantes fonctions dans la presse italienne. Elle a placé son programme sous le signe du « nouveau paysage humain », tout en affirmant « vouloir emprunter ces itinéraires qui conduisent à revisiter l’histoire pour y déceler les racines de cette vision contemporaine, (...) envisager ces liens ténus entre profession et recherches plastiques, situer l’œuvre comme miroir de la sociologie des comportements, (et) revenir sur ces notions de l’intime et de la représentation de soi... Au regard des images de ce nouveau paysage humain, peut-être pourrons-nous comprendre où nous nous situons dans ce paysage global, à la fois en tant qu’individu mais aussi dans l’appartenance de chacun à un ensemble plus large. » On retiendra particulièrement les œuvres des photographes hongrois, les travaux de Disfarmer (1884-1959), sorte d’August Sander opérant au fin fond de l’Arkansas dans les années quarante ; ceux de Francesca Woodman (1959-1981), admirable série d’autoportraits d’une adolescente qui poussa le jeu du narcissisme jusqu’en ses ultimes conséquences ; et l’on s’amusera de la confrontation des deux démarches les plus radicalement opposées, celle de l’Américain David La Chapelle, délirante, explosive, outrageusement sexy et celle du Suisse Beat Streuli, distanciée, fuyant le spectaculaire au point de créer une esthétique du surbanalisme.