L’homme d’affaires a donné ce qu’il restait de sa collection au musée qu’il a fondé. Un ensemble qui semble constitué au hasard où le meilleur côtoie le médiocre.
Martigny (Suisse). L’Américain Armand Hammer (1898-1990) a débuté en URSS une longue carrière d’homme d’affaires, investissant ensuite aux États-Unis dans la production de whisky ou encore en Libye dans l’extraction de pétrole. Secondé par son frère, Victor, qui avait fondé une galerie, il a spéculé sur l’art et aussi donné des œuvres à la National Gallery of Art de Washington et au Los Angeles County Museum of Art (Lacma). Mais, après une brouille avec le board du Lacma, le tycoon a gardé son codex de Léonard de Vinci et sa collection « Daumier et ses contemporains » que le musée croyait devoir lui revenir. Le codex a été vendu en 1994 tandis que les Daumier ainsi que les œuvres restantes de la collection Hammer avaient été attribuées au Hammer Museum fondé, en 1990, à Los Angeles par l’homme d’affaires.
Ce noyau du musée Hammer est en partie présenté à la fondation Gianadda avec quelques œuvres du fonds Daumier. Si l’on n’a pas consulté, sur le site Internet, la liste des 103 œuvres qui la composent, on peut s’attendre à une solide et brillante collection comme les États-Unis (et la Suisse) en ont le secret. Or, c’est son incohérence qui saute aux yeux. On y trouve Junon (vers 1662-1665), une toile inachevée de Rembrandt acquise en 1976 pour 3,5 millions de dollars et deux grandes toiles de Gustave Moreau dont la célèbre Salomé dansant devant Hérode (1874-1876). Il y a aussi Vue de Bordighera (1884) de Monet, Garçon au repos (vers 1887) de Cézanne, Bonjour Monsieur Gauguin (1889) de Gauguin et L’Hôpital à Saint-Rémy (1889) de Van Gogh. Parmi les icônes, Un portrait dit aussi Le Docteur Pozzi chez lui (1881), de Sargent, manque à l’appel : il est en ce moment exposé à Paris. Le reste est surtout constitué d’œuvres mineures d’artistes de premier plan et même de tableaux qui, ailleurs, resteraient dans les réserves : un port de Boudin qui mériterait un bon nettoyage, une nature morte de Chardin sans magie, un portrait de Titien dénué de charisme... Puisqu’il y a là un petit Goya, reprenons le titre d’une série de ses estampes, Les Disparates, pour résumer cette collection qui n’en est pas vraiment une.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : L’étrange héritage d’Armand Hammer





