Interrogation

L’essence de la photographie

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 24 mars 2015 - 650 mots

En se demandant ce qu’est la photographie, le Centre Pompidou cherche
surtout à faire la démonstration d’un art aux multiples facettes.

PARIS - Qu’est-ce que la photographie ? La question est aussi ancienne, récurrente depuis la naissance du médium que vaste, éculée et redoutable. À son énoncé, on se demande ce qui a pris Clément Chéroux, directeur du cabinet de la photographie du Musée national d’art moderne, et Karolina Ziebinska-Lewandowska, conservatrice pour la photographie au Centre Pompidou, de s’engager dans une telle problématique, surtout dans l’espace réduit de la Galerie de photographie, espace de 200 m2 inauguré en novembre 2014 avec Jacques-André Boiffard. On le comprend immédiatement en lisant leur texte, dans le catalogue. Dans une période qui, depuis les années 2000, voit la question sur la nature de la photographie  se démultiplier en couverture de nombreux ouvrages et dans maintes expositions, il s’agit pour eux de « défétichiser l’interrogation ontologique, de la rouvrir » pour mieux la réfuter et « montrer que la photographie n’est au fond que ce que les photographes ou les artistes veulent bien en faire. »

« Réactiver aujourd’hui la question ontologique à partir des recherches des praticiens, plutôt que des théoriciens, permet de comprendre qu’il ne peut définitivement pas y avoir une seule et unique réponse à cette question », explique Clément Chéroux. « Les artistes qui se sont posés et se posent cette question sont légion. Au XXe siècle, les tentatives autoréflexives ou métaphotographiques sont en effet tellement nombreuses qu’elles finissent par constituer une catégorie à part entière, au même titre que le portrait, le paysage ou la nature morte. » Cette démonstration cherche à ouvrir d’autres horizons à ceux qui ne recherchent qu’une réponse claire et définitive à cette sempiternelle question, et tordre le cou à celle qui revient sans cesse : la photographie est-elle est un art ? On ose l’espérer. Il faut se reporter au catalogue et au texte de Clément Chéroux pour trouver une explication à cette résurgence régulière dans l’histoire du médium qui s’entame dès sa naissance. Pendant les années 1850-1860, 1880-1889, l’entre-deux-guerres ou les années 1970-1980, y compris les années 2000-2010 durant laquelle l’interrogation s’est posée « avec acuité : toutes ces périodes correspondent chacune à de profonds bouleversements des usages de la photographique, tant en termes de production que de réception », note l’historien de l’art.

Innombrables interprétations
C’est donc à partir d’une sélection d’une cinquantaine de photographies, issues quasiment de toutes les collections du Mnam, que les deux commissaires s’emploient avec facétie à montrer en huit chapitres que cette question a autant de réponses que d’artistes ou de photographes. Sur le modèle du livre de près de 200 pages de Mishka Henner, Photography is, dans lequel l’artiste compile les réponses apportées par Google à cette affirmation, ils constituent « un abrégé illustré d’anti-ontologie » articulé autour de propositions qui sont autant de réponses à la question. Du désir de voir, ici illustré par une photographie de Paul Citroën, représentant son ami observant à la jumelle une scène située hors champs, à la série ultime des « Verifiche » (en français « les vérifications ») d’Ugo Mulas relative à l’essence de la photographie, les positions de l’un à l’autre diffèrent. Le célèbre autoportrait en ombre d’André Kertész posant avec son appareil n’a rien à voir avec l’exploration des conditions de la prise de vue (angle de vue, profondeur de champ, etc.) de l’artiste conceptuel John Hilliard autour d’un trou creusé dans la terre. La démarche du triptyque Le Marcheur de Patrick Tosani, constitué d’une figurine de maquette insérée dans un morceau de glace et photographiée sur un fond rouge, s’inscrit dans une autre recherche que celle de The Story of Flowers II de Jan Saudek ou de Picture for Women de Jeff Wall dans ses références à Manet. Se laisser donc porter par l’éventail resserré des choix justifiés chacun dans les cartels propres à chaque pièces  exposées…

Qu’est-ce que la photographie ?

Jusqu’au 1er juin, Centre Pompidou, Galerie de Photographie, Forum 1, 75004 Paris
tél. 01 44 78 12 33
www.centrepompidou.fr
tlj sauf mardi, 11h-21h
Entrée libre. Catalogue « Qu’est-ce que la photographie »
Clément Chéroux et Karolina Ziebinska-Lewandowska, coédition Éditions du Centre Pompidou/ Éditions Xavier Barral, 80 p., 39 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°432 du 27 mars 2015, avec le titre suivant : L’essence de la photographie

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