L’Esprit de Paris souffle à l’Arsenal

La pédagogie par le vide

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1996 - 561 mots

Le Pavillon de l’Arsenal présente une exposition surprenante, consacrée aux transformations de la capitale de 1840 à nos jours. La conception, confiée à l’historien et architecte Bruno Fortier, fait ressortir le rôle déterminant – quelque peu occulté ces dernières années – de l’imaginaire et des mythologies propres à chaque époque dans la fabrication de la ville.

PARIS - Commissaire et scénographe de l’exposition, Bruno Fortier a opté pour un parti subtil : en calculant au plus juste le choix des documents devant illustrer un sujet virtuellement inépuisable – puisqu’il a trait aux transformations de toute nature de l’architecture de la capitale de 1840 à nos jours –, l’exposition réussit ce tour de force de rendre perceptible tout autant ce qui est montré... que ce qui ne l’a pas été. Il en ressort une impression de vide, déconcertante au premier abord, mais qui se révèle progressivement très agréable à mesure que le visiteur découvre l’espace qui, implicitement, lui est réservé pour épanouir sa propre curiosité.

Le thème justifiait un tel parti. La "métamorphose" de l’architecture et de l’urbanisme de la capitale à travers le temps n’est, en effet, pas réductible aux transformations qu’elle produit, celles-ci n’en sont que les conséquences. Il ne servirait à rien d’en multiplier les exemples. Inversement, cette métamorphose ne peut se comprendre sans l’éclairage apporté sur l’imaginaire de ceux – architectes, urbanistes – qui ont eu la charge de conduire ces transformations.

Pour illustrer cette double nature de la métamorphose urbaine, simultanément matérielle et spirituelle, l’exposition est organisée autour de deux séries de documents. Exposée sur des cimaises disposées autour du patio central, une première série présente des cas de transformations factuelles, rassemblées selon différents types : oublier, révéler, inventer, conserver, modifier. Mais l’extrême économie de cette première présentation semble n’avoir d’autre fonction que de mettre en valeur la richesse foisonnante de la seconde, dont une grande fresque colorée parcourant le mur périphérique constitue le morceau de choix. Celle-ci déroule une multitude de très belles illustrations empruntées à l’imaginaire de la ville et du territoire, tel qu’il s’est sédimenté de 1840 à nos jours.

Découpée en six périodes distinctes, cette fresque sert de fond à une promenade dans l’histoire de Paris, qu’évoquent un certain nombre de photographies (d’Atget, de Kertész), de textes (d’Hugo, d’Huysmans, de Benjamin, de Gracq), mais aussi d’ambiances sonores (de Satie, de Stravinsky). D’évocations en allusions, le visiteur est ainsi conduit à une recherche ne découvrant son but nulle part ailleurs que dans la variété de ses étapes, éclats épars de l’imagination humaine illuminant la matière de la ville. C’est alors que s’éclaire la scénographie de l’exposition, elle-même conçue comme une métamorphose du Pavillon de l’Arsenal, passage insensible du contenu de l’exposition à son contenant : les allusion s’allègent encore, les signes s’élèvent pour se conclure par la reprise, sur la voûte du Pavillon, de tous les textes de l’exposition, présentés lettre à lettre, sur le modèle de la fresque de Françoise Schein habillant les voûtes du métro Concorde, transcription de la Déclaration des droits de l’Homme. On découvre alors l’ample volume du Pavillon comme nous ne l’avions jamais vu : nimbé d’une lumière cristalline, il semble littéralement touché par la Grâce…

MÉTAMORPHOSES PARISIENNES, jusqu’à début mai, Pavillon de l’Arsenal du mardi au samedi de 10h30 à 18h30, le dimanche de 11h à 19h. Entrée libre. Catalogue édité par Pierre Mardaga, 220 p., 249 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : L’Esprit de Paris souffle à l’Arsenal

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