Patrimoine

XVIE SIÈCLE

Les trésors flamands retrouvés de Marguerite d’Autriche

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 25 mai 2018 - 815 mots

Le monastère de Brou donne une idée assez représentative des peintures des primitifs flamands qui constituaient l’importante collection dispersée de Marguerite d’Autriche. Une gageure menée pourtant rondement vu les pertes et l’imprécision des inventaires.

Bourg-en-Bresse. Cette exposition sur les « primitifs flamands », les équipes du monastère de Brou en rêvaient depuis longtemps. L’ambition était de s’appuyer sur la figure de Marguerite d’Autriche (1480-1530) qui a fondé ce monastère royal à Bourg-en-Bresse. Celle qui fut duchesse de Savoie par son mariage, puis régente et gouvernante des Pays-Bas pour le compte de son neveu Charles Quint, abritait au sein de son palais de Malines, près d’Anvers, une collection d’environ 200 tableaux, obtenus par héritage, par cadeau ou par commande, dont un grand nombre émanant de peintres du nord actifs entre le XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle. Rassembler les trésors des collections de Marguerite était un défi pour ce monument-musée de province, cogéré par le Centre des monuments nationaux et la Ville de Brou. Car les panneaux peints des XVe-XVIe siècles sont souvent très fragiles, voyagent peu et pour des coûts très élevés. La fin du parcours laisse d’ailleurs prendre la mesure, grâce à une borne multimédia, des pièces manquantes de l’exposition. Et quelles pièces manquantes ! Parmi ces œuvres qui n’ont pas fait le voyage à Brou, La Métamorphose d’Hermaphrodite et deSalmacis de Jan Gossaert, un fleuron du Museum Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, que Marguerite avait reçu de son cousin évêque d’Utrecht. Mais aussi deux œuvres de Jan Van Eyck, dont le double portrait le plus célèbre de la peinture occidentale, Les époux Arnolfini, offert à Marguerite par un ambassadeur très courtisan.

Outre les difficultés matérielles à obtenir certains prêts, se posaient également d’autres contraintes liées à leur appartenance à la collection. Les œuvres présentes dans les collections de Marguerite d’Autriche, aujourd’hui dispersées ou disparues, sont connues via des inventaires d’époque parfois imprécis. Seules certaines œuvres, comme les chefs-d’œuvre précédemment cités, sont identifiées avec certitude comme ayant appartenu à la gouvernante des Pays-Bas. L’exposition en a rassemblé quelques-unes, tel ce petit Portrait de Pierre Coustain représentant Marguerite d’Autriche à 3 ans, coiffée d’un béguin semblable à celui décrit dans l’inventaire ou cet Ange tenant un rameau d’olivier de Hans Memling (Louvre), qui fait partie des dix-neuf œuvres que Marguerite avait léguées à son monastère de Brou. Il est aussi fort probable que la petite Tentation de saint Antoine attribuée à l’atelier de Jérôme Bosch concédée par la Gemäldegalerie de Berlin ait aussi été envoyée à Brou ; le saint ermite y tenant un livre et des bésicles comme noté dans les sources.

Le plus souvent, les commissaires de l’exposition ont pris le parti de ne « pas chercher à reconstituer la collection de Marguerite, mais à l’évoquer » à travers des œuvres se rapprochant, par l’iconographie ou l’artiste, de celles décrites dans les inventaires selon Pierre-Gilles Girault, administrateur du monastère de Brou. On sait que Marguerite, considérée comme une des plus actives et influentes mécènes et commanditaires du début du XVIe siècle, réclama à son peintre officiel, le Bruxellois Bernard Van Orley une représentation de sainte Véronique qu’elle révérait particulièrement (comme la sainte portant un linge à l’effigie du christ, la belle-famille savoyarde de Marguerite possédait une image prétendue achéiropoiète, le saint suaire). C’est par une jolie petite Sainte Véronique debout dans un paysage attribué à un suiveur de Petrus Christus que ce tableau non identifié est remplacé au sein du parcours. Si les commissaires ont choisi d’exposer une Vierge à l’enfant aux accents maniéristes (venue du Musée des beaux-arts de Limoges) de l’Anversois Joos Van Cleve, c’est parce que le bébé y tient un chapelet de corail, un détail à la mode décrit sur plusieurs Vierges à l’enfant citées dans les inventaires.

Ce rassemblement d’œuvres est à prendre un peu aux conditionnel, mais il permet de dresser un portrait artistique de Marguerite d’Autriche, très détaillé dans le catalogue. La spécificité des goûts de la gouvernante des Pays-Bas se dessine notamment au travers de la petite section consacrée aux portraits, genre qui avait particulièrement sa faveur et qui constituait bien plus de la moitié de sa collection de peintures. Outre les représentations d’elle-même (qu’elle diffusait activement), elle possédait beaucoup de portraits de son époux défunt, mort très précocement et pour qui elle a bâti le monastère nécropole de Brou, de ses ancêtres (Philippe Le Bon ou Charles le téméraire), de ses parents, de ses neveux et nièces (qu’elle a élevés, elle-même n’ayant jamais eu de descendance), de souverains alliés… Son album de figures a la particularité, assez inhabituelle à cette époque, de comporter beaucoup de portraits d’enfants, mais aussi de femmes. Ces dernières, comme le note le catalogue, représentant 46 % des portraits de la collection. Une quasi-parité peu courante au XVIe siècle.

 

 

Primitifs flamands, Trésors de Marguerite d’Autriche,

 

 

jusqu’au 26 août, Monastère royal de Brou, 63, boulevard de Brou, 01000 Bourg-en-Bresse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°502 du 25 mai 2018, avec le titre suivant : Les trésors flamands retrouvés de Marguerite d’Autriche

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