Art moderne

XXE SIÈCLE

Les surréalistes égyptiens reviennent à Monaco

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2022 - 462 mots

MONACO

« Monaco-Alexandrie » révèle les liens étroits ayant existé au siècle dernier entre ces deux villes portuaires, foyers d’une histoire de l’art moderne méconnue.

Monaco. « Sortir du spectre de l’histoire de l’art européo-centré », tel est le mot d’ordre de l’exposition présentée au Nouveau Musée national de Monaco (NMNM), qui montre un dialogue entre le petit État monégasque et la ville portuaire d’Alexandrie, deux « villes-mondes » du début du XXe siècle. Les commissaires, Morad Montazami et Madeleine de Colnet (Zamaân Books& Curating), mettent en lumière les relations entre les artistes égyptiens et européens, qui se sont retrouvés alors autour de thématiques communes tels que le développement urbain, la rêverie, l’érotisme féministe…

« Fédérer les surréalistes du monde entier »était ainsi l’objectif de l’écrivain et poète égyptien Georges Henein (1914-1973) lorsqu’il contacta André Breton en 1935. Quatre ans plus tard naissait sous son impulsion le groupe « Art et Liberté ». Véritable école surréaliste égyptienne, ses membres en sont Mayo, Ramses Younan, Abdel Hadi El-Gazzar ou Bona, des artistes, explique Morad Montazami, « consciemment en marge – et en rupture des cénacles officiels de Breton ». À l’exception de l’artiste et poétesse Joyce Mansour qui, avec ses « Objets-méchants » (1970), fut adoubée par Breton. La participation de Fouad Kamel et Ramsès Younan à l’exposition « Le Surréalisme » à la Galerie Maeght à Paris, en 1947, marque le début d’une reconnaissance internationale pour ces artistes.

Le monde de la nuit, avec ses ballets et spectacles d’influence orientaliste, compte parmi les lieux communs entre les ports méditerranéens de Monaco et d’Alexandrie. Au début du XXe siècle, Monte-Carlo accueillait régulièrement le roi Farouk Ier d’Égypte et était le siège d’une véritable fièvre d’égyptomanie, perceptible dans les toiles de Kees van Dongen représentant des danseuses orientales (coll. du MNNM) comme dans les costumes de ballets conçus par l’égyptophile Leonor Fini et présentés ici sous la forme de dessins et photographies.

Aussi, la fascination du Bordelais André Lhote (1885-1962) pour l’Égypte donna naissance à l’Académie André Lhote, où dix-neuf artistes égyptiens étudièrent sous sa tutelle entre 1926 et 1959, la plupart exposant à Paris, tels le sculpteur Mahmoud Mokhtar et le peintre Samir Rafi, auteur d’une œuvre surréaliste étrange, liée à la faune et la flore. Parallèlement, la Biennale d’Alexandrie, dont la première édition eut lieu en 1955, était organisée en français et entretenait un dialogue à l’échelle méditerranéenne. Elle présentait des artistes tels que Mahmoud Said (1897-1964), le « Picasso égyptien », selon Morad Montazami, qui diffusa l’esprit de la modernité égyptienne, avec ses scènes de bain (Baigneuses à la périssoire, 1932) et de fête (Le Dancing, 1949).

L’exposition fait sens à Monaco, où cohabitent une mosaïque de nationalités : Björn Dahlström, directeur du MNMN depuis avril 2021, souhaite repenser les relations entre Nord et Sud en tissant des liens avec le monde méditerranéen arabe, ceci à partir des collections du musée.

Monaco-Alexandrie, le grand détour. Villes-mondes et surréalisme cosmopolite,
jusqu’au 2 mai, NMNM, Villa Sauber, 17, avenue Princesse-Grace, Monaco.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Les surréalistes égyptiens reviennent à Monaco

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