Centre d'art - Art contemporain

ART CONTEMPORAIN / VISITE GUIDÉE

Les secrets d’alcôve de Zoe Williams

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 26 septembre 2025 - 530 mots

Présentées au Parvis, ses œuvres se répondent dans un environnement liquide, sensuel et transgressif.

Ibos (Hautes-Pyrénées). La tenture satinée qui borde le salon des plaisirs de Zoe Williams (née en 1983) semble tout droit sortie de l’Odalisque blonde (1751) de François Boucher. À l’instar du peintre rococo, l’artiste anglaise suscite l’émoi par son art de la suggestion. Elle confère à ses objets une apparente consistance liquide, semblable à des fluides corporels à l’accent érotique ; en outre, son vocabulaire plastique est fondé sur la synesthésie : la vue de ses matières aussi intimes que luxueuses active des réminiscences tactiles et olfactives. L’exposition « En liquide », présentée au Parvis, est une triple réussite : la sélection des œuvres préexistantes, très pertinente, couplée à la production de nouvelles pièces abouties, permet au centre d’art de développer un environnement aussi sensoriel que référencé, qui rend compte de la capacité de l’artiste à jouer avec l’histoire de l’art par le biais de médiums variés.

Des peintures galantes rococo aux publicités pour produits de luxe, Zoe Williams soigne ses allusions pour mieux les transgresser. Elle s’inscrit dans la lignée des performeuses féministes ayant détourné les archétypes de la société de consommation dans les années 1970, à l’instar de Hannah Wilke ou Sanja Ivekovic. Sur l’un des murs, la photographie monumentale En Liquid series (Second skin argent emissions) (2025) représente l’artiste en train d’uriner des pièces d’or – renversement de l’iconographie de Danaé recevant la pluie d’or (la semence de Zeus) et clin d’œil à la pratique de la golden shower– dans une botte dorée, moulée en bronze, présentée un peu plus loin dans l’exposition (Second Skin Liquid Currency Armour, 2025). Symbole ultime du fétichisme, la botte se meut ici en chair en décomposition. Les aspérités du bronze rappellent les anfractuosités des grottes artificielles maniéristes : le travail sur les creux et les pleins est saisissant. Les affiches de En Liquid series sont par ailleurs d’une grande qualité plastique : à la subtile référence aux images publicitaires du parfum J’adore de Dior – tonalité dorée dominante, persistance du motif du bain d’or, image léchée – s’ajoute le contraste entre la peau, les drapés et le bronze.

Les œuvres de Zoe Williams instaurent aussi une tension entre désir et répulsion, l’artiste prenant un malin plaisir à souligner que de la jouissance au consumérisme, il n’y a qu’un pas. L’hédonisme des bacchantes dans la performance filmée Ceremony of the Void (2017) confine à la voracité : les prêtresses s’autorisent tous les excès dans une orgie qui n’est pas sans rappeler le célèbre Meat Joy (1964) de Carolee Schneemann et La Grande Bouffe de Marco Ferreri (1973). Des cruches en céramique émaillée par l’artiste, reprenant les couleurs pastel et les lignes courbes des arts décoratifs rococo, agrémentent les tables de banquet sur lesquelles abondent les mets les plus exquis. Revers de cette esthétique ultra-soignée, les jeunes femmes s’adonnent à une consommation débridée des victuailles et des corps.

Face à cette mise en scène captivante, un seul regret : le white cube du Parvis reste un peu trop apparent. Il aurait été souhaitable d’envisager une profusion décorative dans l’espace d’exposition, laquelle aurait permis d’apparenter plus encore « En liquide » à un fastueux boudoir rococo.

Zoe Williams, En liquide,
jusqu’au 11 octobre, Centre d’art contemporain du Parvis, centre commercial Le Méridien, 1er étage, route de Pau, 65420 Ibos.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : Les secrets d’alcôve de Zoe Williams

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