Art contemporain

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Les « real Fictions » de Ballard à la maba

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 13 février 2025 - 494 mots

La Maison d’art Bernard-Anthonioz scénarise l’univers inquiétant de ses romans avec neuf œuvres contemporaines.

Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne). Les récits d’anticipation de l’écrivain britannique J. G. Ballard (1930-2009) fascinent par ce qu’ils préfigurent de nos sociétés. En particulier « La Trilogie de béton », publiée entre 1973 et 1975 dont le premier récit, Crash, liant voiture et sexualité, a été porté à l’écran par David Cronenberg. Le troisième, High-Rise, l’a été en 2015 par le Britannique Ben Wheatley à partir de ce roman paru en France sous le titre I.G.H.– pour « immeuble de grande hauteur », immeuble parabole des clivages sociaux à travers des déprédations progressives en son sein.

Depuis longtemps, Caroline Cournède, directrice de la Maison d’art Bernard-Anthonioz (Maba), réfléchissait à une exposition montée à partir de ces trois livres . « Ce sont mes discussions récurrentes sur la figure de Ballard avec [l’artiste] Jonathan Martin et la découverte de la pièce d’Ange Leccia Arrangement, parpaings et projecteurs qui sont servi d’impulsion », dit-elle. Cette installation, dont la première version avec projecteurs Super-8 date de 1984, figure, réactivée, parmi les œuvres des sept artistes retenus pour « esquisser » cet univers ballardien inquiétant et visionnaire sur les comportements individuels, interactions sociales, violences et grande solitude induits par les structures urbaines et les avancées technologiques. Si cette œuvre d’Ange Leccia n’a pas été créée en référence à I.G.H. de Ballard, la mise en scène de parpaings bruts, empilés, ébauches d’une construction d’immeuble éclairée à la lumière de vidéoprojecteurs, sources de réflexions de formes blanches luminescentes disséminées sur les murs, réinvente une architecture tranchant avec le bloc de parpaings gris, brutal et froid.

Au demeurant, seules deux œuvres sur neuf sont en référence directe avec J.G. Ballard : le court-métrage Crash ! (1971) réalisé par l’Américain Harley Cokeliss à partir d’une nouvelle de l’écrivain, lui-même acteur dans le film dont il tirera un livre. L’autre œuvre a trait à l’installation Île concrète de Jonathan Martin composée de biens de consommation (une paire de tennis usagée, une boîte de céréales…) dispersés au sol dans la pénombre, un éclairage intérieur évoquant leur starification dans une époque ancienne, une création sonore renforçant leur état entre vie et mort.

Cependant le propos n’est pas de réunir des œuvres d’artistes contemporains influencés par les écrits de Ballard ni de rappeler l’influence des surréalistes sur ces « real fictions » comme l’écrivain aimait à définir ses romans. L’idée est plutôt d’évoquer une vision de « la modernité de plus en plus brutale et chaotique »à travers des « real fictions » d’artistes contemporains en résonance avec la vision de Ballard de la modernité, à l’image de l’installation Swallowed [voir ill.] de Bertrand Lamarche, ou des œuvres réalisées par la toute jeune diplômée Lola Machabert à partir de tissage de câbles connectiques et électriques. Autrement dit une vision sombre mais captivante qui ne nécessite pas d’avoir lu « La Trilogie de béton » ni de connaître son auteur pour l’apprécier. Reste qu’une fois la visite achevée on est plus que tenté de découvrir ou de revenir à ces livres.

Real fictions/Naufragé.e.s,
jusqu’au 27 avril, Maba, 16, rue Charles-VII, 94130 Nogent-sur-Marne, www.fondationdesartistes.fr

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°649 du 14 février 2025, avec le titre suivant : Les « real Fictions » de Ballard à la maba

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