Art non occidental

XIXE SIÈCLE

Les rarissimes éventails d’Hiroshige

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 22 mars 2023 - 521 mots

Au Musée Guimet, un ensemble exceptionnel d’éventails du maître de l’estampe japonaise appartenant à la Fondation Georges Leskowicz.

Utagawa Hiroshige, Saigū no nyōgo, série Les Trente-six génies féminins de la poésie, vers 1843-1846, 23 x 29 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza
Utagawa Hiroshige, Saigū no nyōgo, série « Les Trente-six génies féminins de la poésie », vers 1843-1846, 23 x 29 cm.
© Fundacja Jerzego Leskowicza

Paris. Peint en 1864 par James Whistler, le tableau Symphony in White, No. 2 : The Little White Girl représente Joanna Hiffernan tenant un éventail japonais. Celui-ci, Les Rives de la Sumida, issu de la série « Sites célèbres de la capitale de l’Est », a été créé en 1857 par l’un des maîtres de l’ukiyo-e, Hiroshige (1797-1858). Tout comme nombre de ses contemporains, le peintre américain, grand amateur d’art japonais, possédait quelques-uns de ces éventails de papier plats, appelés aussi « écrans », imprimés à Edo.

Aujourd’hui, la plus grande collection privée d’éventails d’Edo peints par Hiroshige est celle de Georges Leskowicz ; elle en comprend 120, dont 50 pièces uniques. Environ 80 sont présentés au Musée Guimet sous le commissariat de Christophe Marquet.

On estime que l’artiste a dessiné au moins 650 modèles. Ils sont loin d’être tous connus et il reste très peu d’écrans avec leur monture. Il s’agissait d’objets bon marché, saisonniers et de consommation courante, utilisés par les hommes et les femmes. Composés d’une tige de bambou et de deux feuilles de papier, ils s’abîmaient ou se démodaient et n’étaient pas conservés. En Europe, où ils ont été importés dès les années 1850, ils servaient d’accessoires ou en décoration. La Japonaise (1876) de Claude Monet montre l’épouse de l’artiste, Camille, devant un mur qui en est orné. Si l’on peut voir dans l’exposition plusieurs éventails montés – d’Hiroshige et d’Hiroshige II, son élève –, la plupart de ceux que possèdent les musées et collectionneurs sont restés sous la forme d’estampes non découpées. Il s’agit des modèles que conservaient les éditeurs et parfois de tirages spéciaux destinés à un public particulier. Ces pièces rares, réunies pour la plupart en albums ou en portefeuilles par des connaisseurs, sont d’une extraordinaire fraîcheur.

Grand maître du paysage, Hiroshige a également peint des portraits de femmes, des scènes littéraires, des images parodiques, des animaux et des fleurs. Sa production d’éventails couvre les mêmes domaines que ses estampes. En raison de la contrainte due à leur forme, son admirable maîtrise de la composition et des couleurs (le « bleu Hiroshige », par exemple) y est encore plus spectaculaire.

Absence de catalogue

Édition. En guise de catalogue, le public se voit proposer un livret constitué d’une introduction signée du commissaire de l’exposition et de 73 photos d’éventails d’Hiroshige non commentées. Or les œuvres montrées dans les salles sont beaucoup plus nombreuses et, pour les éventails reproduits, l’absence d’explications sur les scènes représentées est regrettable. L’équipe d’In Fine, éditeur de la publication de référence Hiroshige. Les éventails d’Edo (auteur Ch. Marquet), qui montre l’intégralité la collection de Georges Leskowicz, avait proposé à la présidente du musée alors en fonctions, Sophie Makariou, d’adapter son ouvrage pour en tirer le catalogue de l’exposition. Celle-ci a préféré le format de l’album. Dans le beau livre d’In Fine, beaucoup plus onéreux que ne l’est en général un catalogue, on retrouve quelques-unes des œuvres de l’exposition ne faisant pas partie de cette collection d’éventails, comme Le Portrait funèbre de Hiroshige par Toyokuni III, mais évidemment pas toutes.

Hiroshige et l’éventail,
jusqu’au 29 mai, Musée Guimet, 6, place d’Iéna, 75116 Paris.
A Lire
Hiroshige et l’éventail. Voyage dans le Japon XIXe siècle,
éd. MNAAG/RMN-GP, 96 p., 13,50 €.
Christophe Marquet, Hiroshige. Les éventails d’Edo, estampes de la collection Georges Leskowicz,
éd. In Fine (2022), 288 p., 125 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Les rarissimes éventails d’Hiroshige

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