Mons 2015

Les premiers pas de Van Gogh

Le Journal des Arts

Le 24 février 2015 - 712 mots

Mons expose les premiers dessins de l’apprenti Van Gogh dans une scénographie maladroite qui risque de frustrer les visiteurs.

MONS - Dans la région de Mons (Belgique), dans le Borinage, entre décembre 1879 et octobre 1880, Vincent Van Gogh choisit de devenir artiste. Cette courte période est cependant essentielle dans la compréhension de l’œuvre ultérieure de l’artiste : dans cet environnement de carrières houillères, il découvre des motifs et une ligne directrice qui le suivront jusque dans les derniers jours de sa vie à Auvers-sur-Oise.

C’est donc tout naturellement que le commissaire de Mons 2015, Yves Vasseur, a décidé de faire du peintre la figure tutélaire de l’Année européenne de la Culture, et ouvre son calendrier sur une grande exposition retraçant les apports de Mons dans l’œuvre de Van Gogh. Aux commandes de cette exposition, Sjraar Van Heugten, fin connaisseur de l’œuvre de Van Gogh, ancien directeur des collections du Musée Van Gogh à Amsterdam, a pu compter sur l’aide du musée d’Amsterdam et de la collection du Kröller-Müller à Otterlo. De fait, la période du Borinage est très peu documentée, Van Gogh ayant choisi de détruire cette partie de sa production. Subsistent les dessins, en grande partie des esquisses, des copies et des exercices de dessins, et sept lettres envoyées à son frère Théo. Pour pallier ce vide, le commissaire a construit son corpus en allant piocher largement dans les dessins du séjour bruxellois de Van Gogh, entre 1880 et 1881, et dans quelques toiles de Saint-Rémy de Provence et d’Auvers, presque une décennie plus tard. Une exposition conçue en forme d’allers-retours permanents sur les motifs embryonnaires et sur leur expression fastueuse et géniale des dernières années de la vie du peintre.

L’éveil au dessin

Didactique, le parcours se fait dans une pénombre quasi religieuse, presque trop solennelle et figée pour des œuvres dont la qualité est pour le moins inégale. Certes, exposer des dessins requiert une luminosité contrôlée, mais la scénographie choisie, plate et sombre, ne met justement pas en lumière le bouillonnement intellectuel, les recherches tous azimuts de l’homme en train de devenir artiste. Les lettres à Théo, qui inaugurent le parcours, révèlent un homme en proie au doute, arrivant dans le Borinage après de multiples déroutes professionnelles. Il y a là quelque chose de l’ordre du frisson à déchiffrer les caractères ramassés de sa calligraphie, à le lire évoquer les paysages, les personnes et les motifs qui en feront un peintre, les doutes qui finiront par l’emporter une décennie plus tard.
Au Borinage, Van Gogh est laborieux, malhabile, maladroit : son talent n’est pas inné, il est le fruit d’un travail journalier. Les quelques œuvres qui subsistent sont donc un témoignage de ses recherches, mais leur qualité artistique est faible. Exposer les œuvres de jeunesse d’un grand peintre est souvent ingrat, ici l’écueil est de taille. À la mine de plomb, à l’encre de chine, au fusain, Van Gogh n’est pas encore dans la couleur. Il copie d’après des lithographies en noir et blanc dans un univers de charbon. Tout juste un dessin est-il timidement aquarellé, « Usine de coke au Borinage » (1880, Van Gogh Museum, Amsterdam) : si la couleur n’est pas l’enjeu de l’exposition, le visiteur risque d’être un peu surpris, d’autant plus que rien n’est dit justement sur cette absence de couleur, une évidence pour les spécialistes qui savent que Van Gogh copie d’après des copies, mais cette donnée n’est pas forcément à la portée intuitive du visiteur.

Reste le motif, l’obsession de Van Gogh pour les cabanes, les rues et l’homme au travail. Une belle séquence illustre le travail de fourmi du commissaire : le dessin inédit « Moissonneur à la faucille » (1880) venu du Musée d’Uehara au Japon et réalisé au Borinage d’après Millet, fait face au tableau « Le moissonneur » exécuté neuf ans plus tard à Saint-Rémy de Provence. Le visiteur peut alors réaliser tout le chemin esthétique parcouru, alors même que le sujet et la construction sont restés inchangés.
Pourtant, l’impression de frustration perdure jusqu’à la fin du parcours : un bon travail d’historien de l’art fait-il une bonne exposition ? À Mons, la question reste ouverte.

Van Gogh

Nombre d’œuvres : 91
Commissaire : Sjraar Van Heugten, historien d’art, ancien directeur des collections au Musée Van Gogh d’Amsterdam

Van Gogh au Borinage, la naissance d’un artiste

Jusqu’au 17 mai, Musée des beaux-arts de Mons, 8 rue Neuve, Mons, Belgique, tél. 32 (0) 65 40 53 30, www.mons2015.eu, tlj sauf lundi, 10h-18h, entrée 15 €. Catalogue, Ed. Fonds Mercator, 272 p., 39 €.

Légende photo
Vincent van Gogh, Moissonneur à la faucille (d'après Jean -François Millet), 1880, dessin, 55,5 x 30 cm, Uehara Museum of Modern Art. © Uehara Museum of Modern Art.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Les premiers pas de Van Gogh

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