Les muses de Baglione

L'ŒIL

Le 1 juillet 2003 - 430 mots

Jusqu’à présent, Giovanni Baglione (1573-1644) était surtout connu, en histoire de l’art, comme un des tout premiers biographes, et l’adversaire personnel, de Caravage. Dans son recueil de Vies des artistes romains, publié en 1642, il manifeste en effet une malveillance systématique à l’égard du grand maître. Cette exposition nous rappelle qu’il fut avant tout un peintre. Et pas n’importe lequel puisqu’il intéressa le cardinal de Gonzague, duc de Mantoue, collectionneur et grand mécène soucieux d’enrichir la collection de ses ancêtres en commandant des œuvres aux peintres de son temps, Dominiquin, Guerchin ou Baglione. C’est pour le cardinal que celui-ci peint le cycle d’Apollon et ses muses, à Rome, vers 1620. Le thème du Parnasse et la célébration des arts étaient au cœur de la culture savante de l’époque, notamment à Mantoue, dans l’entourage du cardinal, protecteur des académies de Comici dell’arte, et détenteur du fameux Parnasse de Mantegna dans le studiolo d’Isabelle d’Este. Mais le principal antécédent, la référence la plus prégnante, restait la célèbre fresque de Raphaël au Vatican. Dans le cycle de Baglione, chaque muse est campée sur un emmarchement où est inscit l’hexamètre d’Ausone lui  correspondant. Ces figures monumentales qui se répondent les unes aux autres, se détachent sur un fond sombre, en un clair-obscur contrasté qui relève d’une vision typiquement caravagesque.
Elles ne restèrent pas longtemps à Mantoue, puisque le duc les offrit en 1624 à Marie de Médicis. Celle-ci venait de passer commande à Rubens pour la décoration de la grande galerie de son palais du Luxembourg. Les toiles de Baglione furent aussi affectées à la décoration de ce palais, et trouvèrent place dans un cabinet privé de la reine, dit « des muses », précédant directement la grande galerie.
Ce cycle devient ainsi, à son tour, un modèle iconographique pour les peintres français.
Dès la fin du siècle, le nom du peintre est oublié, l’œuvre tombe dans l’anonymat. Confisquées à la Révolution, les toiles resteront roulées dans les réserves du musée du Louvre, jusqu’en 1938, date à laquelle on retrouve le nom de Baglione, et où l’ensemble est mis en dépôt au musée d’Arras. Les Muses ne sont plus alors que huit, car Melpomène a mystérieusement disparu. Il aura fallu attendre leur présence à l’exposition « Gonzagua, la Celeste Galeria », à Mantoue l’an dernier, et une indispensable restauration, pour que l’attention se porte à nouveau sur elles.

« Apollon et ses muses, vie d’une série de toiles peintes par Giovanni Baglione au XVIIe siècle » ARRAS (62), musée des Beaux-Arts, 22 rue Paul Doumer, tél. 03 21 71 26 43. 2 mai-8 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Les muses de Baglione

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