Les lubies d’Arthur

Un vocabulaire de la photographie expérimentale

Le Journal des Arts

Le 10 octobre 1997 - 334 mots

L’Amérique de l’après-guerre ayant mis l’accent sur le photo-reportage et un certain humanisme, les recherches plus formelles ou plus disruptives ont été minimisées, particulièrement celles qui se situaient dans la lignée allemande, à la suite de Moholy-Nagy. Le très méconnu mais prolixe Arthur Siegel appartient à cette génération.

PARIS. La carrière de Siegel (1913-1978) est aux antipodes de celle des photojournalistes qui ont fait les beaux jours du Musée d’art moderne et de l’International Center of Photo­graphy de New York. Elle est celle d’un artiste qui, après des études de sociologie, s’engage successivement et simultanément dans toutes les voies que lui offre la photographie. Photographe de presse pour des magazines, des agences, reporter pour la Farm Security Admi­nistration (1941-42), pour l’Office de guerre, pour l’armée de l’air, pour Life ou Time, photographe d’architecture (Chica­go’s Famous Buildings), il s’intéresse aussi à toutes les méthodes expérimentales et aux nouveaux procédés, particulièrement après avoir suivi les cours de Moholy-Nagy au New Bauhaus de Chicago en 1937. Après la mort de Moholy en 1946, il crée le département Photographie de l’Institute of Design, où il enseigne aux côtés de Siskind et Callahan, attentif aussi à vivifier l’histoire de la photographie. Son œuvre est éclectique, utilisant le vocabulaire extensif de la photographie expérimentale, dans la ligne activiste de Moholy, pour inventer constamment de nouvelles images et de nouvelles perceptions : doubles expositions, surimpressions, masquages, manipulations diverses, couleur – à partir de 1946, où il joue un rôle de pionnier –, coulures, éclaboussures de révélateur. Ses sujets sont toujours éton­nants : gros plans de jambes de piétons (comme Model), cadrages abstractisants, images désintégrées, ou démultipliées par miroirs, recherche de symétries, de all-over – surface de la mer ou foule des travailleurs de Chrysler en 1937 –, et travaillés par le grain, le tirage, le contraste, les superpositions. Un vrai “travail d’art” qui mérite une moins rare considération.

ARTHUR SIEGEL, jusqu’au 15 octobre, Galerie Françoise Paviot, 57 rue Sainte-Anne, 75002 Paris, tél. 01 42 60 10 01, tlj sauf lundi 14h30-18h30.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°45 du 10 octobre 1997, avec le titre suivant : Les lubies d’Arthur

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