Les grands desseins de Gordon Matta-Clark

À Barcelone, panorama d’une œuvre intense et originale

Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 600 mots

Le Macba (Musée d’art contemporain de Barcelone) présente une vaste rétrospective des dessins de Gordon Matta-Clark, qui doit sa notoriété à ses cuttings, des interventions à mi-chemin entre le Land Art et la performance, au cours desquelles il découpait des sections de bâtiments à New York.

BARCELONE - Gordon Matta-Clark (New York 1943-1978) a entretenu une relation idéologique conflictuelle avec son père, le peintre surréaliste chilien Roberto Matta, qui l’a poussé à adjoindre à son nom celui de sa mère. Sa carrière artistique – intense et originale – a été brutalement interrompue par un cancer foudroyant alors qu’il n’avait que 34 ans.

Les dessins et les croquis présentés à Barcelone sont souvent les seuls témoignages – avec les films tournés à l’époque – de ses cuttings. Il a ainsi découpé et évidé un grand nombre de bâtiments, œuvres éphémères se situant entre le Land Art et la performance. “C’est la première anthologie complète des dessins de Matta-Clark, déclare le commissaire de l’exposition, Sabine Breitwieser. L’exposition présente la quasi-totalité de son œuvre, plus de six cents pièces, auxquelles un titre a été attribué a posteriori car, à quelques exceptions près, il n’en donnait jamais”. Elle rappelle également comment l’extraordinaire énergie de l’artiste et sa passion de la danse ont transformé sa manière de dessiner en un acte très physique. La rétrospective s’ouvre avec les dessins d’arbres de la première période, lorsque les préoccupations écologiques et l’influence du Land Art l’orientaient vers une série de projets alchimiques basés sur la matière organique. En 1972, Matta-Clark introduit le découpage en tant que technique de dessin ou de sculpture et traduit, en découpant dans ses œuvres, la tension de l’opposition ville/campagne.

“Au début, les dessins découpés sont pour la plupart en relation avec des projets concrets, mais ils acquièrent par la suite plus de complexité, avec des formes circulaires qui s’entrecroisent et des surfaces vides entre les lignes”, explique Sabine Breit­wie­ser. Les séries de douze à quinze dessins de sa dernière période ont été réalisées au cours de nuits de jam-sessions pluridisciplinaires avec d’autres artistes new-yorkais. “Gordon passait des nuits entières en pleine fureur créatrice, se souvient sa veuve, qui dirige la Matta-Clark Foundation, créée afin d’aider les jeunes artistes de classes et de races défavorisées. Laurie Anderson jouait du violon, Philip Glass récitait des poèmes, Bob Wilson dansait et Gordon dessinait. C’est avec eux et d’autres artistes qu’il avait inventé le projet des ballons cars, une variante des ballons buildings, des roulottes comme celles des gitans sumontées d’un globe, avec lesquelles ils voulaient traverser les États-Unis et amener la culture dans les petits bourgs”.

Matta-Clark a toujours eu conscien­ce du contenu politique et subversif de l’art, comme en té­moigne la série de dessins intitulée Hammer and Sycle (marteau et faucille). Cette nécessité de trouver un mode de communication “sous-culturel” l’a amené à incorporer relativement tôt les graffitis à son œuvre : “Il utilisait la photographie pour intégrer au circuit artistique les peintures anonymes de la rue, en les transformant en ready made, comme le montre la série des Photoglyphs”, précise Sabine Breitweiser. Cette dernière expose également un élément de la camionnette entièrement recouverte de graffitis que Matta-Clark a découpée et vendue en morceaux en face de la foire annuelle de Greenwich Village, pour exprimer son désaccord avec cette manifestation. L’exposition, qui est complétée par une large programmation de ses films expérimentaux, est organisée dans le contexte actuel de revalorisation internationale du travail de Matta-Clark.

GORDON MATTA-CLARK 1969-1978, jusqu’au 15 mars, Musée d’art contemporain de Barcelone, Plaça dels Angels 1, tél. 41 93 412 08 10, tlj sauf mardi 12h-20h, samedi 10h-20h, dimanche 10h-15h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Les grands desseins de Gordon Matta-Clark

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