Art Contemporain - Dès l’entrée, le visiteur est happé par un visage. Ce n’est sans doute pas un hasard si celui-ci figure sur la couverture du catalogue.
Intitulé Gaze (2024) – titre également donné à l’exposition –, ce terme évoque un regard insistant. Mais ce regard en est-il un ? Les yeux, inexpressifs et comme figés, semblent tournés vers un ailleurs. Le dialogue tant recherché avec la représentation du visage humain ne se produit pas. L’artiste, Jenny Saville, figure majeure de la scène artistique britannique – née en 1970 à Cambridge et associée au célèbre groupe des Young British Artists dans les années 1990 – demeure pourtant peu connue en dehors de son pays. Grâce au cycle d’expositions consacrées aux artistes femmes, à l’initiative du nouveau directeur de l’Albertina, Ralph Gleis, ses œuvres bénéficient aujourd’hui d’une visibilité accrue. Parmi la série de visages aux proportions démesurées, Gaze et View II sont ceux qui portent les marques d’agression les plus prononcées. Griffés, rayés, blessés ou raturés, recouverts de taches et de touches picturales, ces visages semblent lutter avec la peinture. Plus que de figuration, il s’agit de défiguration. Pourtant, malgré ces outrages, le visage conserve son intégrité anatomique. Il en va autrement du corps, autre thème central dans l’œuvre de Saville. Si l’artiste puise son inspiration dans le nu classique – Titien, Tintoret, voir La Pietà III (2020) –, ses corps, eux, se transforment en assemblages fragmentés, échappant aux règles de la nature. Dans des scènes érotiques comme Song of Songs (2020) ou Interlock (2024), mais aussi à travers des nus isolés – les trois Fates (2018) –, les corps éclatés se fondent en un enchevêtrement de chair et de peinture. Selon la critique féministe, cette approche vise à déconstruire l’image stéréotypée du nu féminin offert au regard masculin. Probablement. Mais c’est avant tout une autre manière d’aborder la figuration.
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Les figures éclatées de Jenny Saville
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°785 du 1 mai 2025, avec le titre suivant : Les figures éclatées de Jenny Saville