Histoire

Les artistes reconnaissants

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 17 janvier 2012 - 439 mots

Le Musée Eugène-Delacroix retrace la genèse de « L’Hommage à Delacroix » de Fantin-Latour de ce manifeste collégial.

PARIS - « [Fantin-Latour] venait de suivre, avec Baudelaire et Manet, le convoi funèbre de Delacroix, et revenait du Père-Lachaise en maugréant avec ses amis contre le médiocre concours de monde qu’avait attiré l’enterrement d’un tel maître, lorsqu’ils furent rejoints par des «croque-morts» qui portaient, tels des marchands d’habits, tout le costume d’académicien de Delacroix : la famille avait oublié de le reprendre. À cette vue, une généreuse indignation secoua le peintre de vingt-sept ans ; l’idée de protester par un hommage public contre le peu de solennité de ces funérailles traversa son esprit, et ses amis s’y associèrent d’enthousiasme », relate Adolphe Jullien, musicologue proche du peintre Fantin-Latour. Cet épisode de 1863 marque le début de la mythologie de L’Hommage à Delacroix, présenté un an plus tard au Salon. Impulsée par le don en 2007 d’une esquisse du tableau par la Société des amis du Musée du Louvre, l’exposition-dossier du Musée national Eugène-Delacroix, à Paris, retrace la genèse d’une œuvre atypique, qui revendique l’importance du rôle tenu par Delacroix sur les jeunes générations, et sur l’histoire de la peinture.

Au début était une série d’esquisses s’inspirant des hommages classiques, dans lesquelles Fantin, entouré de ses complices, couronne le buste sculpté de Delacroix. Au fil des essais, ledit buste se transforme en portrait encadré ; réalisé à partir d’une photographie, il est porté par une allégorie ailée. Il finit accroché sur un mur sombre, en arrière-plan de la composition dans laquelle onze hommes regardent plus ou moins dans la même direction que leur maître. Cette approche renouvelée serait venue à Fantin devant la copie d’un portrait de groupe de Frans Hals. Dans cette galerie de portraits en habits sombres, l’auteur se distingue par sa blouse blanche, celle des peintres. La couronne de lauriers, elle, s’est transformée en un somptueux bouquet de fleurs, dans la lignée de ces natures mortes qui ont fait sa fortune auprès d’une clientèle anglo-saxonne. L’exposition décrypte les liens, non évidents, entre le maître et ses admirateurs : « Hormis Baudelaire, aucun ne semble avoir été proche du maître, peu même eurent la chance de le rencontrer personnellement. » C’est là l’aspect délicat de tout hommage : chacun peut se réclamer d’une personne qui n’a plus son mot à dire.

FANTIN-LATOUR, MANET, BAUDELAIRE. L’HOMMAGE À DELACROIX

Commissaires : Christophe Leribault, directeur du Musée national Eugène-Delacroix

Jusqu’au 19 mars, Musée national Eugène-Delacroix, 6, rue de Fürstenberg, 75006 Paris, tél. 01 44 41 86 50, www.musee-delacroix.fr, tlj sauf mardi 9h30-17h. Catalogue, coéd. Le Passage/Louvre Éditions, 168 p., 28 euros, ISBN 978-2-84742-177-4

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Les artistes reconnaissants

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