Art asiatique

Les âmes de grès du Champa

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 18 novembre 2005 - 610 mots

Le Musée Guimet organise la première exposition sur la sculpture cham en faisant venir des pièces inédites du Vietnam.

 PARIS - Arrivés par la mer probablement vers la fin du premier millénaire avant notre ère, les Cham édifièrent le long des côtes du centre du Vietnam des temples bouddhistes ou hindouistes (lire le JdA n° 219, 8 juillet 2005). Ces somptueux édifices de briques rouges, mis au jour pour la plupart à la fin du XIXe siècle par l’archéologue français Henri Parmentier, étaient peuplés et agrémentés d’imposantes sculptures de grès voire de bronze, personnifications de Brahma, Vishnu, Shiva, Ganesh, génies ou gardiens des temples, oiseaux sacrés, éléphants, lions et danseuses.
Le Musée Guimet, à Paris, organise la première exposition consacrée à la sculpture du Champa. À des prêts consentis par les musées de Da Nang et d’Ho Chi Minh-Ville s’ajoutent des œuvres conservées sur le site de My Son (l’un des plus importants sites cham situé dans la province de Quang Nam), ainsi que quelques exemples issus de sa propre collection. Le Musée Guimet possède en effet de très beaux exemples d’art cham, tel cet Étui couvre linga (ou kósa) duquel émergent plusieurs têtes d’or et d’argent. Symbole sexuel, le linga trouve son origine dans un ancien culte phallique qui célébrait la fertilité et la perpétuation de la vie. Chargé d’assurer le bien-être du pays et la continuité de la dynastie régnante, le linga comptait comme une composante indispensable des rituels.

« Celle qui sauve »
Parmi les chefs-d’œuvre inédits en France, signalons Tara, statue de bronze incrusté d’or (fin IXe-début Xe siècle), découverte par hasard par un paysan cherchant à récupérer quelques briques dans les ruines de l’enceinte du grand temple de Dong Duong. Avec ses grands yeux (incrustés de pierre semi-précieuse), son air sévère, la stylisation de ses oreilles, les proportions de son nez et cette coiffure si particulière formant presque un casque, son visage présente toutes les caractéristiques du style de Dong Duong. Son iconographie n’a, pour l’heure, toujours pas été déterminée même si elle a souvent été rapprochée de Tara (« celle qui sauve »), aspect féminin de la Compassion. Ce somptueux bronze fait face au célèbre Bouddha de Dong Duong (VIIIe-IXe), la plus grande statue fondue à cire perdue retrouvée presque intacte en Asie du Sud-Est.
Magnifiées par un éclairage subtil, les statues révèlent au visiteur leur caractère sacré et les multiples détails de certaines compositions. Ainsi du tympan Siva dansant (VIIIe siècle), provenant du site de My Son, restauré pour l’occasion par un atelier installé sur place par le Musée Guimet et avec l’aide de l’École française d’Extrême-Orient. À gauche de Siva figurent un flûtiste, un joueur de tambour et l’ascète Bhrngin, d’apparence squelettique, qui danse au rythme de son tambourin. À droite, on trouve Parvati, l’épouse de Siva, et Skanda (dieu de la Guerre), leur fils. Le seul personnage à ne pas être hissé sur un piédestal représente probablement le donateur. La danse de Siva est associée à l’idée de destruction et de victoire. D’autres pièces de soubassement donnent à voir des Danseurs à l’écharpe (Xe siècle) tandis que diverses représentations de Siva datant des XIVe et XVe siècles ferment le bal et concluent ce parcours où la beauté le dispute à la spiritualité.

TRÉSORS D’ART DU VIETNAM – LA SCULPTURE CHAMPA

Jusqu’au 9 janvier 2006, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6, place d’Iéna, 75116, Paris, tél. 01 56 52 53 45/49, www.museeguimet.fr, ouvert tlj sauf mardi, 10h-18h. Catalogue RMN/Musée Guimet, 374 p., 49 euros, ISBN 2-7118-4898-1. - À lire aussi : Anne-Valérie Schweyer, Le Vietnam ancien, éd. Les Belles Lettres (coll. « Guide des civilisations »), Paris, 2005, 320 p., 17 euros, ISBN 2-251-41030-9.

Sculpture Champa

- Nombre de pièces : 96 sculptures en bronze, grès et métal précieux - Établissements prêteurs : Musées de Da Nang, d’Ho Chi Minh-Ville, Musée Rietberg à Zurich, Muséum de Lyon - Commissaires : Pierre Baptiste assisté de Thierry Zéphir

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°225 du 18 novembre 2005, avec le titre suivant : Les âmes de grès du Champa

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