L’Ermitage version 2003

Un ambitieux programme pour l’établissement russe

Le Journal des Arts

Le 5 juin 1998 - 872 mots

Avec l’aménagement d’une nouvelle aile, le Musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, se lance dans un ambitieux projet d’amélioration des services offerts aux visiteurs et d’agrandissement des espaces d’exposition. Il entend ainsi proposer pour l’année 2003 des prestations exceptionnelles, dignes de son rang international : théâtre, cinéma, salle informatique, restaurants, voire hôtel. Reste, pour le directeur Mikhaïl Piotrovsky, à surmonter de graves problèmes de financements, liés au désengagement de l’État.

SAINT-PÉTERSBOURG (de notre correspondante) - Le Musée de l’Ermitage, actuellement installé dans le Palais d’hiver baroque de Catherine II la Grande, a entrepris des travaux de rénovation et d’extension dans la partie est d’un ancien bâtiment militaire, de l’autre côté de la place du Palais.

Cet édifice, construit dans les années 1820 pour accueillir les ministères impériaux russes des Finances et des Affaires étrangères, a été affecté au musée par la municipalité de Saint-Pétersbourg, en 1988. Son réaménagement permettra d’exposer 10 à 15 % des quelque trois millions d’objets conservés dans ses prestigieuses collections – soit beaucoup plus que les 5 % présentés actuellement – et d’abriter des activités commerciales et culturelles. Ainsi, l’Ermitage devrait pouvoir assumer sa place parmi les quatre musées les plus importants au monde.

Les premières salles d’exposition ouvriront dès l’an prochain : douze galeries donnant sur la place du Palais, dont l’une abritait autrefois les somptueux quartiers du ministre impérial des Affaires étrangères. Elles accueilleront le département des Arts décoratifs, avec ses horloges, ses mécanismes d’horlogerie et ses bijoux, qui en font l’une des plus riches collections mondiales, pourtant jamais montrée au public.

L’Ermitage version branchée
La création de ce complexe et les fonds engagés pour son aménagement témoignent du nouvel esprit d’initiative qui règne dans le musée péterbourgeois, alors que le contrôle d’État se fait moins pesant. “Avec la construction de cette aile, nous voulons que le musée devienne un centre de vie au cœur de la ville. Je veux voir des gens ici, autour, tous les jours, vingt heures par jour,” a déclaré à notre correspondante Mikhaïl Piotrovsky, directeur de l’Ermitage et initiateur du projet. Celui-ci espère que la plupart des services prévus dans la nouvelle aile seront opérationnels en 2003, pour la célébration du 300e anniversaire de Saint-Pétersbourg, mais les travaux viennent à peine de commencer.

Les quatre étages du bâtiment, répartis sur 50 000 m2, sont en mauvais état. La plupart sont laissés à l’abandon, et une partie est occupée par un hôpital militaire qui se prépare lentement à libérer les locaux. La taille des pièces, souvent petites, se révèle un casse-tête pour les architectes, car le bâtiment est classé monument historique de Russie et, de ce fait, sa structure ne peut être modifiée.
Il faudra pourtant intégrer dans ce lieu, outre les traditionnels et nécessaires ateliers de restauration, une impressionnante gamme d’équipements et de services. Un centre informatique – dit “musée virtuel” – devrait voir le jour grâce au don de 1,6 million de dollars (environ 9 millions de francs) offert par IBM. Un cinéma et un théâtre proposeront des projections et des spectacles directement liés à l’art et à l’histoire. Viendront s’y ajouter plusieurs cafés et restaurants, et peut-être même un hôtel pour les personnes souhaitant séjourner sur place. Le changement sera d’autant plus notable que les prestations actuelles sont très limitées : ainsi, un unique et minuscule café dessert l’ensemble du musée.

La place du Palais devrait elle aussi faire l’objet de rénovations. L’entrée d’origine du musée, sur la place, sera réhabilitée d’ici l’an 2000, l’entrée principale étant actuellement située dans une rue très fréquentée sur les berges de la Neva. La nouvelle aile, qui n’est pour l’instant qu’un énorme bloc isolant l’Ermitage de la perspective Nevski, l’artère la plus animée de la ville, deviendra une sorte de passage public. On pourra en effet accéder au musée directement à partir de Nevski, en traversant le bâtiment et ses cinq cours, pour rejoindre la place du Palais, tandis qu’un parking souterrain sera construit en dessous.

Le prix de l’occidentalisation
Tous ces projets sont à la hauteur des grandes ambitions occidentales. Il en va de même du prix. L’aménagement de la nouvelle aile devrait coûter 150 millions de dollars (environ 900 millions de francs), alors que le budget an­nuel du musée correspond à peine à un cinquième de cette somme. Il reste encore à trouver l’argent nécessaire. “Nous allons lancer une campagne de collecte de fonds”, a déclaré Mikhaïl Piotrovsky, qui compte avant tout sur les fonds privés, les entreprises et les fondations. Il n’attend rien de l’État, au moins au début.

À l’époque soviétique, l’État prenait totalement à sa charge les frais du musée, et la rupture avec l’ancien système n’a pas été facile. À présent, le gouvernement russe n’assure plus que 70 % du budget annuel. Mais, en 1996, le gouvernement fédéral n’a versé que 30 % de la somme requise par l’Ermitage, et 45 % seulement du montant annoncé et prévu dans le budget de l’État.

Comme l’explique Nick Hoffman, l’assistant de Mikhaïl Piotrovsky chargé des échanges économiques et artistiques avec l’Occident, “En Occident, les institutions financées par l’État peuvent compter sur une somme déterminée et fixée d’une année sur l’autre. Ici, il est très difficile d’obtenir des financements gouvernementaux chaque année. C’est une toute autre approche de la collecte de fonds”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°62 du 5 juin 1998, avec le titre suivant : L’Ermitage version 2003

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