Art ancien

XIXE SIÈCLE

Lenepveu, peintre oublié du plafond de l’Opéra

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 7 octobre 2022 - 673 mots

ANGERS

Le musée de sa ville natale présente la première grande rétrospective consacrée à ce spécialiste des grands décors. On y découvre un immense dessinateur à l’inspiration éclectique.

Angers. Dans son livre Le Nouvel Opéra de Paris (1878), l’architecte Charles Garnier consacre un chapitre au peintre du plafond de l’Opéra. De son ami Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898), il dresse le portrait attachant d’un homme « d’une nature assez timide malgré son apparence résolue » et « d’une habileté peu commune lorsqu’il exécute de vastes compositions ». Lenepveu est, depuis 1873, directeur de l’Académie de France à Rome (il le restera jusqu’en 1879). En 1871, sa ville natale, Angers, donne son nom à la rue dans laquelle il est né et, en 1882, il devient président de l’Académie des beaux-arts : c’est dire que son talent est reconnu. Pourtant, constate Charles Garnier, « tous les artistes connaissent Lenepveu, mais il est assez étranger au public, qui ignore presque tous ses ouvrages, qui même ne sait pas très bien son nom ».

Pour ce peintre académique, la postérité n’a pas été plus tendre. Elle s’est même montrée cruelle lorsqu’en 1964 le ministre chargé des Affaires culturelles, André Malraux, a fait recouvrir le plafond de l’Opéra par une composition de Marc Chagall. Longtemps, la mémoire de l’artiste n’a été entretenue que par les musées d’Angers, propriétaires d’une importante collection d’œuvres du peintre, et le Musée d’Orsay, qui montre une esquisse du plafond de Lenepveu dans son espace consacré à l’Opéra de Paris. Mais la réhabilitation est enfin à l’ordre du jour avec la rétrospective de deux cent soixante œuvres, sous le commissariat d’Anne Esnault, et l’imposant catalogue qui l’accompagne.

De nombreuses commandes de grands décors

Loyal, fidèle, « bon et obligeant » selon Charles Garnier, en dépit d’un caractère parfois emporté, Jules-Eugène Lenepveu a su fédérer autour de lui sa famille, ses maîtres et ses amis. Ceux-ci lui ont fourni des commandes – tel Garnier, pensionnaire avec lui à la Villa Médicis – ou lui ont fait accorder des bourses comme le directeur du Musée d’Angers, Jean-Michel Mercier. Ce dessinateur hors pair doutant en permanence de sa valeur – selon Charles Garnier qui révèle qu’à soixante ans il se ronge encore les ongles – offre en remerciement à Angers plusieurs de ses tableaux du concours du prix de Rome. Il entretient ensuite des liens profonds avec le nouveau directeur du musée, son ancien condisciple Jules Dauban, et les élites de la ville. Cette assise locale lui apporte des commandes de décors et de nombreux portraits. Il donne encore à Angers plusieurs de ses œuvres dont cent trente-sept cartons à taille d’exécution des plafonds de l’Opéra Le Peletier et de l’Opéra Garnier, des documents inestimables pour la connaissance de ces grands décors. Car ses participations aux Salons pendant quelques années et à l’Exposition universelle de 1855 donnent lieu à des achats de l’État et lui apportent des commandes. Ainsi, la Ville de Paris lui demande en 1857 des compositions pour la chapelle de la Vierge à l’église Sainte-Clotilde, puis d’autres pour Saint-Louis-en-l’Île et, plus tard, Saint-Sulpice. L’État lui passe plusieurs commandes pour l’hôpital d’Angers ou encore la préfecture de Grenoble. En 1869, l’artiste décide de peindre gratuitement le plafond du théâtre d’Angers, une œuvre séduisante encore en place aujourd’hui, alors que le plafond de l’Opéra Le Peletier a été détruit par un incendie en 1873. En 1884, il est chargé d’exécuter les maquettes du décor en mosaïque de l’escalier Daru, au Louvre, et il peint l’Histoire de Jeanne d’Arc (1890) au Panthéon.

À côté de ces grands décors publics, souvent disparus ou cachés depuis, il en a réalisé pour des particuliers (dont l’éditeur Georges Hachette en 1881) et a peint des saynètes délicieusement kitsch aux murs d’une salle de jeux du casino de Monte-Carlo. De même, des scènes de genre telle Noce vénitienne (1857) ou Jacob Rodrigue Pereire (1715-1780), premier instituteur des sourds-muets (1861), portrait pastichant l’art du XVIIIe siècle, sont inattendues chez ce peintre d’édifiantes scènes religieuses. C’est l’un des atouts de l’exposition que de montrer cette diversité d’inspiration chez un peintre académique du XIXe siècle.

Jules-Eugène Lenepveu. Peintre du monumental,
jusqu’au 8 janvier, Musée des beaux-arts, 14, rue du Musée, 49100 Angers.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°594 du 9 septembre 2022, avec le titre suivant : Lenepveu, peintre oublié du plafond de l’Opéra

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