Hommage

L’élégante simplicité d’Irving Penn

La Fondation Henri Cartier-Bresson montre des clichés de la série des \"Petits métiers\" du photographe

Le Journal des Arts

Le 9 juin 2010 - 573 mots

Le photographe américain Irving Penn est à l’honneur à la Fondation Henri Cartier-Bresson. À travers une centaine de tirages issus de la série Petits métiers, inédite à Paris, cette exposition rend hommage à l’une des plus grandes figures de la photographie du XXe siècle, génie de la pose élégante et de la lumière naturelle.

PARIS - Un vitrier, des charbonniers, un vendeur de hot dogs, des épiciers, une couturière donnent corps à leur époque à Paris, Londres et New York. À travers un extrait de la série Petits métiers, jamais montrée à Paris, la Fondation Henri Cartier-Bresson rend hommage à l’Américain Irving Penn (1917-2009), une figure de la photographie du XXe siècle dans le domaine du portrait, de la photo de mode et de la nature morte. Une centaine de tirages acquis par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles en 2008, sous forme de donation partielle, condensent l’art maîtrisé de la pose élégante, de la lumière naturelle et des techniques de tirage caractérisant le style de cet artiste qui n’exerçait qu’en studio.

En juin 1950, missionné par le magazine Vogue, Irving Penn photographie, à Paris, ses premières collections de haute couture. Dans le studio de l’école de photographie Louis-Lumière où viennent poser mannequins et célébrités, ce diplômé de l’école du Musée des beaux-arts de Philadelphie formé au stylisme par Alexey Brodovitch, directeur artistique du magazine Harper’s Bazaar, établit une typologie historique ébauchée à Cuzco, au Pérou, en 1948. Aidé par Robert Doisneau et le poète Robert Giraud, ses "rabatteurs" qui font le casting, ce féru d’ethnographie fait poser contre une obole des artisans et des figures du quartier populaire Mouffetard en costumes de travail.

Gestuelle étudiée
Avant lui, Eugène Atget et August Sander avaient représenté une humanité universelle à l’ouvrage en plantant le décor de Paris au XIXe siècle et de l’Allemagne dans l’entre-deux-guerres. "Éloigner les modèles de leur environnement naturel et les installer en studio face à l’objectif n’avaient pas seulement pour but de les isoler, cela les transformait", notait Irving Penn dans Worlds in a Small Room (1974). Un fond neutre faisant ressortir le vêtement comme le caractère de l’individu met en relief la noblesse du ramoneur ou du boucher anglais en canotier. La gestuelle étudiée, teintée d’ironie, de modèles occasionnels, l’effet graphique que produisent leurs outils (brosses, marteau-piqueur, tuyaux) habilement disposés trahissent les artifices du photographe de mode revisitant la typologie Hommes du XXe siècle de Sander. "De cette personne seule je pouvais distiller l’image que je voulais et la froide lumière la transportait sur le film", disait Irving Penn dont l’approche fluctue entre citations d’Atget, Sander, Bill Brandt et clichés alliant le document à l’image de mode décalée.

De cette séduisante série, Vogue publiera les portfolios à caractère national dont l’édition américaine saluait, en 1960, une manière d’"identifier une force ouvrière florissante dans les États-Unis d’après guerre". En 1967, puis en 2003, Irving Penn avait réinterprété ses négatifs comme en témoignent les épreuves argentiques juxtaposées à de somptueux tirages au platine aux noirs veloutés, aussi aboutis que le cliché d’un maraîcher portant un chapelet luisant d’oignons. Jusqu’en 2004, les portraits d’autochtones fixés de la Crète au Dahomey constitueront les "images résiduelles d’un enchantement", selon leur auteur.

Irving Penn, les petits métiers, jusqu’au 25 juillet, Fondation Henri Cartier-Bresson, 2, impasse Lebouis, 75014 Paris, tél. 01 56 80 27 00, www.henricartierbresson.org, tlf sauf lundi 13h-18h30, le mercredi 13h-20h30, le samedi 11h-18h45. Catalogue, Getty Publications, 272 p., 216 ill., 45 euros

Irving Penn

Commissaires : Virginia Heckert, conservatrice associée au département de Photographies au Getty Museum ; Anne Lacoste, conservatrice adjointe au département de Photographies au Getty Museum
Nombre d’œuvres : une centaine de tirages

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°327 du 11 juin 2010, avec le titre suivant : L’élégante simplicité d’Irving Penn

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