Art contemporain

Monographie

L’écho du modernisme

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 2 février 2016 - 474 mots

BORDEAUX

Avec un ensemble de sculptures de grand format, Leonor Antunes revisite l’imposante surface du CAPC de Bordeaux en même temps que des éléments de la modernité.

BORDEAUX - En s’emparant de la nef centrale du CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux, Leonor Antunes n’a laissé nulle prise au hasard. Étudier en profondeur contextes et lieux dans lesquels elle est conviée à exposer, tout en travaillant au plus près sur les rapports d’échelle établis entre les œuvres et le bâtiment, est devenu chez elle une marque de fabrique. De même que d’explorer inlassablement certains héritages de la modernité, dans les domaines de l’architecture et des arts décoratifs le plus souvent.

C’est ici Anni Albers qui est en premier lieu convoquée, à travers une œuvre qui est visible, mais surtout sensible, dans la mesure où dès son arrivée le visiteur un peu coutumier de l’institution bordelaise perçoit que quelque chose y a changé. En cause le sol, entièrement recouvert d’un revêtement en liège, qui modifie profondément l’expérience du cheminement sur les 1 500 mètres carrés qu’il recouvre, en absorbant les sons tout en lui conférant quelque chose d’un peu plus moelleux. « Le Plan flexible » évoqué par le titre de l’exposition renvoyant en effet à des idées de malléabilité ou de souplesse.

Dialogue entre art textile et architecture
En outre la tonalité chaude de la matière, contrastant avec le noir habituel, permet de faire naître une luminosité différente, d’autant que la surface est incrustée de pièces de laiton dont découpes et rythmes ont été effectués en référence au motif pour une pièce textile des années 1950 non produite par Anni Albers. C’est une autre de ses archives qui donne naissance à l’œuvre la plus spectaculaire, une sorte de rideau en laiton transparent qui s’enroule dans les airs en évoquant également les cordages ayant occupé la nef lorsqu’elle fut entrepôt. AnniAlbers n’est pas la seule figure évoquée là. Lina Bo Bardi en est une autre, dont les formes irrégulières des seize ouvertures de la façade du Centre sportif et culturel SESC Pompeia à São Paulo ont donné naissance à autant de petites tables en béton aux surfaces irrégulières.

Malgré une perfection formelle et un agencement qui peuvent donner à l’ensemble une sensation d’apprêt un peu trop marquée, l’intérêt de la démarche de Leonor Antunes tient dans le fait qu’au-delà de l’inspirante admiration qu’elle voue à ses sujets, rien ne permet de dire que les artistes concernées auraient été satisfaites de « l’adaptation » ainsi faite de fragments de leur œuvre. Ce qui de facto place l’hommage face à un doute possible et permet habilement de le faire cohabiter avec une forme de distanciation bienvenue. L’artiste d’ailleurs convoque souvent l’idée de « divergence », comme avec le sol intitulé Discrepancies with Anni (2015). Ce qui ouvre la voie à une perception plus trouble et ambiguë… flexible et sensible.

Leonor Antunes. Le plan flexible

Jusqu’au 17 avril, CAPC-Musée d’art contemporain, 7, rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 00 81 50, www.capc-bordeaux.fr, tlj sauf lundi 11h-18h, mercredi 11h-20h. Catalogue à paraître.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°450 du 5 février 2016, avec le titre suivant : L’écho du modernisme

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