Le temps et la ruine

à Barcelone et Londres, deux rétrospectives de Tacita Dean

Le Journal des Arts

Le 2 mars 2001 - 597 mots

Tacita Dean bénéficie simultanément, à Barcelone et à Londres, de deux rétrospectives. À côté de pièces datant des années 1990, l’artiste dévoile également pour la première fois de nouvelles créations, notamment celle qu’elle a réalisée à Berlin, ville dans laquelle elle est actuellement en résidence.

BARCELONE et LONDRES - Manolo Borja-Villel, le directeur du Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba), a confié au commissaire d’exposition hollandais Roland Grooenenboom la conception de la rétrospective espagnole de Tacita Dean, aujourd’hui considérée comme l’une des artistes les plus prometteuses de la jeune génération britannique. Le Macba a réuni un ensemble de ses œuvres majeures, à l’exception de Géllert, l’une des pièces les plus contestées de sa production déjà présentée Salle Montcada, à Barcelone, par la Fondation “La Caixa”. Au total, sont présentés neuf films 16 millimètres et deux œuvres sonores : Jukebox 2 – dont un projet avait été montré à Bâle l’année dernière – a spécialement été produit pour cette exposition. Jukebox est une machine à musique qui contient huit pièces sonores correspondant à autant de lieux géographiques. Tacita Dean a visité huit cités portuaires sur huit longitudes différentes séparées entre elles par 45 degrés. Dans chacune d’elles, elle a enregistré 24 heures de son d’ambiance pour montrer la qualité descriptive du temps. Il est même possible de reconnaître immédiatement les sons qui correspondent au jour et à la nuit.

“Le temps est un concept récurrent dans l’œuvre de Tacita Dean. Il ne s’agit pas d’un temps réel, mais figé et perdu. Ses films racontent des histoires qui auraient pu exister mais qui n’ont pas eu lieu. Elles ne nous parlent pas d’un présent véridique, mais de ce qui aurait pu être”, nous a confié Manolo Borja-Villel. Ce concept est présent dans des œuvres comme Sound Mirrors, l’histoire d’un système d’alarme anti-aérien qui pouvait capter tous les sons sans toutefois pouvoir les reconnaître. Il a donc a été abandonné en faveur d’un système de radar plus efficace. Bubble House met en scène une maison en forme de melon dont la construction fut abandonnée alors qu’elle n’était qu’à moitié achevée. L’artiste l’a trouvée par hasard lors de son voyage à Cayman Brac dans les Caraïbes dans le but de filmer la barque de Donald Croxhurst pour un autre de ses films : Disappearance at Sea II. Un élément est ainsi central dans son travail : le hasard. “La méthode de travail de Dean est très flexible. Ses œuvres démontrent que nous pouvons reconstruire l’histoire à partir des ruines que le temps laisse sur son passage”, explique Manolo Borja-Villel.

Tacita Dean, née en 1965, a commencé sa carrière artistique comme peintre, aux débuts des années 1990. Elle a alors découvert les possibilités du cinéma. Chacun de ses films est projeté dans un espace spécialement adapté en relation aux caractéristiques narratives de la pièce. Au début de son travail, le narrateur accomplit un rôle vraiment essentiel, comme dans les œuvres telles The Martyrdom of St Agatha, Girl Stowaway ou Bag of Air. À partir de Disappearance at Sea, la narration disparaît pour laisser place seulement au son, comme dans Friday/Saturday, film réalisé à l’occasion d’une éclipse.

Parallèlement, l’exposition de la Tate Britain dévoile pour la première fois en Grande-Bretagne certaines œuvres de l’artiste, notamment son nouveau film, Fernsehturm, réalisé à Berlin où l’artiste est actuellement en résidence dans le cadre d’une bourse du Berliner Künstlerprogramm/DAAD.

- Tacita DEAN, jusqu’au 25 mars, Macba, Plaça dels Angels, Barcelone, tél. 34 93 412 08 10, tlj sauf mardi 11h-19h30, www.macba.es ; jusqu’au 6 mai, Tate Britain, Millbank, Londres, tél. 44 20 7887 8008, tlj 10h-17h50.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°122 du 2 mars 2001, avec le titre suivant : Le temps et la ruine

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