Design

Le style Mollino

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 10 mars 2015 - 605 mots

Le Centre culturel italien présente un aperçu de la création protéiforme et audacieuse de l’architecte, designer, photographe et théoricien Carlo Mollino.

PARIS - Carlo Mollino était indubitablement un personnage hors du commun. Architecte fameux de l’entre-deux-guerres, ingénieur et designer audacieux, brillant théoricien, l’homme, né à Turin en 1905 et mort dans cette même ville en 1973, fut aussi un talentueux photographe, un habile aviateur et un skieur chevronné. C’est ce que relate cette exposition intitulée « La Casa di Mollino » [« La Maison de Mollino »], concoctée par le Museo Casa Mollino de Turin et l’Institut culturel italien, à Paris. Elle évoque, à travers une sélection de dessins, de maquettes, de photographies et de meubles, l’éclectisme de Carlo Mollino : de l’architecture aux arts de la table, de l’automobile à l’aménagement intérieur. Déplorons au passage la scénographie, brouillonne ; à l’inverse, un soin particulier a été apporté au catalogue édité pour l’occasion.

Un « Gaudi moderniste »
Le peu de constructions signées Mollino exhalent la modernité. En témoignent ces photographies en noir et blanc de l’édifice de la Società Ippica Torinese, à Turin, et de sa splendide façade rationaliste constituée de modules taillés en pointe de diamant. Plus impressionnant encore est son projet pour le Teatro Regino, toujours à Turin, lequel arbore un somptueux calepinage de briques, aussi bien à l’intérieur que sur la façade. L’esthétique du designer se fait, elle, plus élastique, comme pour les sièges de la discothèque Le Roi-Lutrario et leurs accoudoirs qui s’incurvent, ou ceux destinés à l’auditorium de la RAI (la Radio-télévision nationale italienne), dont les pieds se tortillent. Y sourd quelque réminiscence organique héritée de l’Art nouveau qui pourrait faire passer Mollino pour un « Gaudi moderniste ». Une influence perceptible également dans ce portemanteau conçu pour la Casa Ada et Cesare Minola, cette chaise à trois pieds au dossier ondulant et cette série de meubles en contreplaqué moulé réalisée, en 1950, pour une exposition itinérante dans les musées états-uniens.
L’exposition met en avant « La Casa del Sole », immeuble de logements construit dans la célèbre station de ski de Cervinia (Italie), entre 1947 et 1953. Outre quelques photographies – dont l’une montre Mollino en train de faire une acrobatie à ski avec un étrange vêtement-parachute –, sont présentés des lits en bois superposables délicatement géométriques. On reconnaît là la patte de l’ingénieur avec cette judicieuse tablette rétractable et ce portemanteau bien commode. Pour ladite station montagnarde, l’architecte designer se fera également styliste, dessinant le foulard Cervinia 2050, sur lequel on distingue les altitudes des sommets alentour et les principales pistes. Carlo Mollino, on l’aura compris, possède plusieurs cordes à son arc. Ce passionné d’aérodynamisme dessinera, entre autres, un bolide effilé qui battra des records de vitesse – on peut en voir une maquette – et un amusant autobus baptisé « Nube d’Argento » [Nuage d’argent], doté de vitres en biais et d’un pare-brise arrondi.

La présentation aborde enfin sa pratique photographique. Mollino était plutôt calé dans le domaine, et reconnu, en 1943, pour un essai pointu intitulé Il Messagio della Camera Oscura [« Le Message de la chambre noire »]. Sont ici dévoilés quelques-uns de ses 2 000 portraits de femmes, des Polaroid qu’il réalisa de 1960 jusqu’à sa mort.

Une frustration cependant : la présente exposition ne fait, en réalité, qu’effleurer l’œuvre de Mollino et l’on se prend à rêver qu’un musée parisien s’empare de ces prémices pour consacrer une rétrospective conséquente à ce singulier artiste.

LA CASA DI MOLLINO

Commissaires de l’exposition : Fulvio et Napoleone Ferrari, fondateurs du Museo Casa Mollino, à Turin
Nombre de pièces : plus de 150, dont une centaine de photographies

LA CASA DI MOLLINO

Jusqu’au 30 avril
Institut culturel italien, 73, rue de Grenelle, 75007 Paris
tél. 01 44 39 49 39
du lundi au vendredi 10h-13h, 15h-18h, entrée libre. Catalogue, sous la direction de Marina Valensise, 132 p., 30 €.

Légende photo
Carlo Mollino, Lit superposé et modulable, 1953, créé pour la Casa del Sole, Cervinia. © Fulvio Ferrari/Casa Mollino.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : Le style Mollino

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