Art moderne

Corte

Le séjour fondateur de Matisse en Corse

Musée de la Corse - Jusqu’au 30 décembre 2021

Par Anne-Charlotte Michaut · L'ŒIL

Le 22 septembre 2021 - 554 mots

CORTE

Une vingtaine de tableaux peints par Henri Matisse en Corse sont rassemblés à Corti, démontrant l’importance de ce court séjour, méconnu, dans la carrière de l’artiste. Une exposition événement.

Tout part d’une acquisition : en décembre 2019, la Collectivité de Corse achète, dans une vente aux enchères, La Mer en Corse, Le Scoud, peint par Matisse à Ajaccio en 1898. En découle le projet d’une exposition dédiée au séjour de Matisse sur l’île de Beauté, exposition qui se déploie dans l’écrin exceptionnel qu’est le Musée de la Corse, installé au sein de la célèbre citadelle de Corte, classée monument historique. Afin de mener à bien ce projet ambitieux, dans un musée de société non habitué à exposer de l’art moderne, le commissariat est confié à deux éminents spécialistes de l’artiste : Dominique Szymusiak (directrice de 1980 à 2012 du Musée Matisse du Cateau-Cambrésis) et Jacques Poncin (auteur de Matisse à Ajaccio, 1898, Lumière et couleurs révélées, paru en 2017). L’exposition est une réussite : un parcours chronologique nous emmène à la découverte de l’évolution du travail de l’artiste, depuis les premières toiles qu’il peint en plein air en Bretagne en 1895 jusqu’à l’avènement du fauvisme en 1905, avec pour cœur, évidemment, ce séjour fondateur de six mois en Corse en 1898.

Après avoir découvert dans la première salle les prémisses des expérimentations autour de la couleur pure et des variations de lumière entreprises par Matisse lors des trois étés qu’il a passés en Bretagne, l’exposition nous propose, dans une salle circulaire à la lumière tamisée, une plongée dans la Corse de la fin du XIXe siècle. À travers la présentation de documents d’archives divers issus principalement de la collection du musée, il s’agit de planter le décor d’Ajaccio, alors station d’hiver prisée, que Matisse et sa femme Amélie découvrent en débarquant sur l’île en février 1898 : le café Bonaparte, où Matisse écrit ses lettres, la villa de La Rocca, où le couple séjourne, ou encore les îles Sanguinaires et autres sites touristiques de la baie d’Ajaccio. S’ensuit le cœur de l’exposition : la présentation d’une vingtaine de toiles, parmi plus de cinquante, que Matisse a peintes lors de son séjour, dont certaines sont des prêts exceptionnels de collections publiques et privées internationales. Intitulée « Le grand éblouissement », cette troisième partie montre avec brio le choc esthétique que le peintre a vécu face aux paysages et à la végétation corses. Cet émerveillement l’a amené à un véritable bouleversement de sa pratique, qu’on pourrait résumer par : pureté de la couleur et liberté de la peinture. Ainsi écrit-il : « Je ne travaillais plus que pour moi. J’étais sauvé. Bientôt me vint comme une révélation l’amour des matériaux pour eux-mêmes. Je sentis se développer en moi la passion de la couleur. » La lumière corse lui offre d’infinies possibilités, qui se concrétisent notamment par l’introduction de nouvelles couleurs dans ses œuvres – un bleu extrêmement profond et l’orange, alors encore très peu utilisé. Enfin, la dernière étape du parcours montre comment Matisse, à son retour de Corse, a continué d’expérimenter, s’affranchissant toujours plus des conventions, prenant de la distance avec le motif et donnant définitivement la primauté à la couleur pure, pour aboutir à la révolution du fauvisme en 1905. Cette remarquable exposition offre ainsi des clés de lecture fondamentales et méconnues pour appréhender la carrière de Matisse.

« 1898, Matisse en Corse,un pays merveilleux » 

Musée de la Corse, La citadelle, rue dela Citadelle, Corte, www.museudiacorsica.corsica

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°747 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : Le séjour fondateur de Matisse en Corse

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