Le royaume des dieux et des déesses

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 1 février 2006 - 413 mots

Quel rapport peut-il y avoir entre Chaissac, Dubuffet et un cantonnier indien ?  En 1951, Le Corbusier est chargé par Nehru, Premier ministre indien, d’édifier la nouvelle capitale du Pendjab, Chandigarh. Cette même année, Nek Chand, employé à la voirie, est muté sur ce chantier.
Né en 1924 dans une famille de fermiers, il a fui son village en 1947, année de la partition de l’Inde. Cet homme de la campagne, amené à participer à un projet architectural occidental avant-gardiste, se met alors à rêver d’un monde peuplé des divinités de l’Inde.
À l’abri des regards, loin de tout désir de reconnaissance sociale et culturelle, il entreprend à partir de 1958 la création d’un étonnant jardin : le royaume des dieux et des déesses. Il se rend à vélo au pied de l’Himalaya, la résidence des dieux dans la tradition indienne. Il y collecte de grandes quantités de pierres qu’il rapporte à Chandigarh. Nek Chand ramasse également une multitude de déchets industriels et d’objets usagés. Il entasse tous ses trésors sur un terrain vague de Chandigarh, occupé en toute illégalité. Cet espace de 2 500 m2 est défriché, aménagé, planté de végétaux. La clairière devient un atelier clandestin dans lequel Nek Chand vient tous les soirs réaliser des sculptures étranges.
Quand le gouvernement décide d’aménager cette zone en 1973, quelle n’est pas la surprise des ouvriers découvrant cet univers insoupçonné ! La nouvelle se répand en quelques jours. Émerveillés par tant de beauté, les habitants de la ville et des environs accourent. Le gouvernement renonce à bâtir sur le site. Il nationalise le jardin, le baptise « Rok Garden » et demande à Nek Chand d’y travailler à plein temps.
Occupant actuellement une surface de douze hectares, le parc offre au visiteur un véritable parcours initiatique, peuplé de 2 352 sculptures dont la hauteur varie de 40 centimètres à 2,5 mètres, regroupées dans des alignements impressionnants. Il est également animé par deux grandes cascades et plusieurs petites chutes d’eau.
Le non-conformisme et l’inventivité de ce jardin en font une œuvre éblouissante réalisée à l’aide de détritus comme des gravats, des cheveux et de la vaisselle cassée. Nek Chand n’avait jamais entendu parler de Tinguely ou de Chaissac…
À l’initiative de la collection de l’Art Brut à Lausanne, plus d’une centaine d’œuvres issues de Rok Garden sont présentées dans six expositions, dont celle de Lausanne.

« Le royaume de Nek Chand », collection d’art brut, 11 av. des Bergières, Lausanne (Suisse), tél. 41 42 315 25 70, jusqu’au 19 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°577 du 1 février 2006, avec le titre suivant : Le royaume des dieux et des déesses

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