Le roman d’Anna

C’est faux. En réalité, ce n’est pas un mais bien deux tableaux qu’elle a eu le flair d’acquérir ! C’est l’une des révélations de la remarquable exposition que lui consacre le Mu.ZEE. Le musée d’Ostende ne s’appesantit toutefois pas sur cette découverte, tant la fameuse acquisition occupe déjà une place disproportionnée dans la biographie de cette pionnière. À telle enseigne que c’est même souvent l’une des rares informations que le grand public connaît d’elle. Et pourtant, il y a tant à dire, et à montrer, sur cette figure phare de la fin du XIXe siècle ! Collectionneuse d’avant-garde, elle constitue en effet un fonds extraordinaire où fraie toute la crème de la peinture moderne dont Gauguin et Ensor, à qui elle achète notamment une toile polémique. Mais aussi un grand nombre d’artistes femmes, à l’instar de Lucie Cousturier. Anna a en effet eu à cœur de soutenir ses consœurs. Car loin de se cantonner à un rôle de mécène, elle manie les pinceaux avec brio. Hélas, à l’image d’un Caillebotte, son rôle de collectionneuse a occulté son œuvre. Un sort particulièrement injuste car elle a eu l’honneur d’être une des rares femmes connues de son temps. Et même l’unique dame à exposer au sein des XX, le célèbre cercle bruxellois qui réunissait les meilleurs peintres et sculpteurs du Plat Pays. Consécration supplémentaire, ses tableaux ont été achetés dès leur présentation, notamment par l’État belge. Étrangement, cette destinée hors du commun a été oubliée. Cette monographie vient donc à point nommé lui rendre un hommage mérité. Cent quarante tableaux, sculptures, objets et documents retracent cette trajectoire passionnante, portée par une scénographie efficace. Afin de restituer toute la modernité de sa palette post-impressionniste et de sa démarche, l’accrochage joue en effet de manière audacieuse la carte du dépouillement et du white cube.