France-Égypte

Le prétexte Bonaparte

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2009 - 519 mots

L’IMA présente une exposition diplomatique sur l’expédition égyptienne.

PARIS - En mai 2008, devant la commission des Finances du Sénat (lire le JdA n°283, 6 juin 2008, p. 3), Dominique Baudis, nouveau président de l’Institut du monde arabe (IMA), annonçait avoir renoncé à une exposition consacrée aux Nabatéens, dont la capitale, Pétra (Jordanie), est bien connue des voyageurs. « Je n’étais pas convaincu que cela réunirait beaucoup de visiteurs ; les gens n’ont pas une vision très précise de ce que c’est. On a donc changé et fait “Bonaparte et l’Égypte” », déclarait alors Dominique Baudis – qui a par ailleurs écrit un roman sur ce même sujet –, précisant avoir reçu une lettre de recommandation du président Chirac destinée au président égyptien. Le résultat est visible jusqu’au mois de mars dans les salles de l’IMA. Soit une exposition sur un sujet éculé qui offre à voir peu de pièces inédites – à l’exception de quelques aquarelles de Conté, l’inventeur du crayon éponyme –, et déploie une vision très succincte voire simpliste de l’Histoire.
Le parcours débute par une évocation de l’Égypte avant 1798, date d’arrivée des troupes de Bonaparte. Gravures et objets viennent ici raconter la vie quotidienne dans un pays souvent fantasmé à l’aune de la seule civilisation pharaonique. Suivent ensuite des lieux communs sur la fulgurance de l’un des épisodes les plus célèbres de l’Histoire de France, une expédition de 18 mois et 35 000 hommes menée par Bonaparte et lancée par le Directoire pour contrecarrer les ambitions britanniques et couper ainsi la route des Indes. Qui s’achèvera par un fiasco mais restera dans la mémoire collective pour ses à-côtés, dont la célèbre équipée savante. L’épisode est illustré par une profusion d’images parmi lesquelles on ne retiendra que les quelques très belles études dues à Vivant Denon, futur directeur du Musée Bonaparte et volontaire pour l’expédition à l’âge de 51 ans. Celles-ci ont servi à illustrer son Voyage dans la Basse et la Haute Égypte, paru en 1802. Mais la plupart des grandes scènes de bataille, conservées au château de Versailles ou au Louvre, n’ont pas été déplacées. L’aventure scientifique portée par les 165 savants embarqués par Bonaparte tient une bonne place dans l’exposition grâce à un ensemble d’objets hétéroclites. Or, du résultat de ces travaux, la monumentale Description de l’Égypte (1809-1829) en 837 planches, le visiteur ne pourra voir que la page de garde. L’influence de ces échanges sur le goût occidental est illustrée par quelques objets d’art de style « Retour d’Égypte », dont des pièces du service à déjeuner de l’impératrice Joséphine, fabriqué à Sèvres d’après les dessins de voyage de Denon. L’ensemble s’achève par une section consacrée à l’affirmation de la nation égyptienne – quel rapport avec le sujet ? Celle-ci révèle le véritable objectif de la manifestation : célébrer l’amitié franco-égyptienne. L’IMA aurait-il remisé sa vocation culturelle au profit d’une simple allégeance à ses bailleurs de fonds ?

BONAPARTE ET L’ÉGYPTE. FEU ET LUMIÈRES, jusqu’au 29 mars, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed V, Tél. 01 40 51 38 38, www.imarabe.org, tlj sf lundi, 10h-18h, jeudi 10h-21h30.

Bonaparte et l’Égypte
Commissariat général : Badr-Eddine Arodaky, directeur général adjoint, directeur du musée et des expositions
Commissariat : Aurélie Clemente-Ruiz, chargée de collection et d’expositions
Commissariat scientifique : Jean-Marcel Humbert, conservateur général du patrimoine à l’inspection générale des musées
Scénographie : Massimo Quendolo
Conception et réalisation : avec la Région Nord-Pas-de-Calais

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Le prétexte Bonaparte

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