Luxembourg

Le "post-impressionnisme" cherche toujours sa définition

\"Luxe, calme et volupté\", une collection suisse reconstituée

Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 622 mots

Luxembourg, ville – et non capitale – européenne de la culture, accueille sous un titre baudelairien un ensemble d’œuvres venu de Suisse et pose le problème du post-impressionnisme en tant que tel.

LUXEMBOURG - En treize salles, fraîchement aménagées, le casino de Luxembourg met en scène les œuvres de Bonnard, Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Marquet, Matisse, Redon, Renoir, Rouault, Lautrec, Vallotton et Vuillard. "Luxe, calme et volupté" réunit 250 œuvres dont quelque 150 peintures, certaines n’ayant jamais été exposées.

À travers elles, on parcourt vingt ans d’une création qui sort de l’Impressionnisme et s’en démarque pour affirmer, au tournant du XIXe siècle, la lumière comme fondement d’une modernité soucieuse de classicisme.

Le choix des pièces, venues du monde entier, a été guidé par le désir de reconstituer la collection d’Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler, deux collectionneurs suisses du début du siècle qui avaient acheté des œuvres à leurs amis peintres. Le noyau de cette collection rejoindra bientôt les cimaises de la Villa Flora, à Wintherthur, où les Hahnloser-Bühler vécurent.

L’exposition s’articule sur deux étages en petites salles au format intimiste. Les œuvres y sont regroupées artiste par artiste, selon un parcours qui, de Renoir à Rouault, témoigne de la cohérence d’une collection. Certaines œuvres, très rares, justifient à elles seules le voyage : Arbres et rochers de Cézanne ; Le Semeur de Van Gogh ; Le Vallon de Gauguin ; Sur le boulevard et Promenade en mer de Bonnard ; un bel ensemble de paysages de Marquet, sans oublier Vuillard, qui apparaît comme un des points forts de cette collection. On déplorera toutefois que les propriétaires de ces œuvres aient tenu à les recouvrir de vitres qui en aplatissent la facture et trahissent les couleurs désormais brillantes.

À travers cette collection recomposée se constitue un panorama de la peinture vers 1900 que les organisateurs de l’exposition ont qualifiée de "post-impressionnisme". Que penser du vocable ? Celui-ci prend ses racines dans l’historiographie anglo-saxonne qui, à la suite de John Rewald, a ainsi réuni en un même regard, l’essentiel de la création à la fin du siècle. Une exposition, organisée à la Royal Academy en 1979, avait conforté cette vision fourre-tout. Ici, par les choix même du couple Hahnloser-Bühler, le panorama se resserre et devient plus cohérent.

Les œuvres de Redon, de Gauguin, de Van Gogh ou de Vuillard témoignent d’un souci du coloris qui s’intègre de plain-pied dans une "dérive" symbolique de l’Impressionnisme. La matière se révèle déterminante. Le "post-impressionisme" se définit par la couleur libérée, mais surtout par la couleur entendue comme lumière.

Cette couleur entre en mouvement ; le dynamisme traverse la forme et donne au geste une vitalité dont les Fauves tireront parti. Ainsi, pour vide de sens qu’il paraisse, le concept de "post-impressio­­nisme" – l’après impressionnisme – recouvre une réalité spécifiquement française. La couleur comme lumière définit à la fois un principe d’harmonie – Cézanne, Gauguin, Vuillard – et un besoin d’expression – Van Gogh, Lautrec, Rouault.

Le catalogue n’a pas tiré parti des possibilités qu’offrait la collection Hahnloser-Bühler pour réviser l’histoire de la peinture européenne entre 1890 et 1905. D’une présentation désuète et agaçante, l’ouvrage est souvent de mauvais goût. Pourquoi avoir placé les œuvres sur des fonds de couleur qui les écrasent et les réduisent à un simple objet de décoration ? La perception de l’œuvre est biaisée par ce luxe inutile. Moins intéressant pour sa réflexion sur les œuvres exposées, le catalogue offre néanmoins une information complète sur la collection et sur son histoire.

"Luxe, calme et volupté. Regards sur le post-impressionnisme", Casino de Luxembourg (dans le cadre de "Luxembourg, ville européenne de la culture"), jusqu’au 26 mars, entrée 300 FB (50 FF). Tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h, le jeudi jusqu’à 20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : Le "post-impressionnisme" cherche toujours sa définition

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