Photographie

Le Paris de William Klein

Ses travaux sur la capitale sont exposés à la MEP

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 14 juin 2002 - 702 mots

En 1948, alors âgé de vingt ans, démobilisé de l’armée américaine, William Klein s’installe à Paris pour devenir peintre. Cinquante ans après, le célèbre photographe nous livre sa vision de la capitale à travers plus de 300 clichés en noir et blanc ou en couleurs, datant des années 1960 à 2002, réunis à la Maison européenne de la photographie (MEP). Loin de l’image d’une ville romantique et figée, le Paris de Klein est vivant, cosmopolite, peuplé d’enseignants en colère, de mannequins longilignes, d’anciens combattants, de pompiers, de CRS, de transsexuels ou de sans-papiers.

PARIS - Lorsque Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison européenne de la photographie, demande à William Klein de réaliser un ouvrage sur Paris, comme il l’a déjà fait pour New York, Tokyo ou Moscou, le photographe décline l’offre, parce qu’il connaît “trop bien” la capitale, en a assez des livres sur les villes, se demande ce qu’il pourrait bien raconter de nouveau. Finalement, en 1999, il accepte et se lance à corps perdu dans la jungle parisienne. Aujourd’hui exposé à la MEP, son travail dépeint Paris, à travers une de ses caractéristiques majeures : la foule, compacte et solidaire, ralliée lors de manifestations politiques, de carnavals, de défilés de mode, d’enterrements, de marathons, pour la Fête de la musique, la Gay Pride ou la Techno Parade. “Quand je suis dans une manifestation – presque n’importe laquelle –, je me surprends à vouloir en faire partie. [...] Je vis ici depuis un bon moment, mais je me sens toujours étranger. Mêlé aux foules, je me demande si ce n’est pas un désir d’y appartenir”, explique le photographe dans le livre attaché à l’exposition. Les clichés les plus anciens datent de 1964. Il s’agit des obsèques du communiste Maurice Thorez : les visages sont usés, les gens se serrent les uns contre les autres. Les enterrements de Tino Rossi, Yves Montand ou Charles Trenet révèlent des personnages similaires, unis dans ce douloureux moment de deuil. Emporté par la foule, Klein travaille au grand-angle. La profondeur de champ qui en résulte livre une multitude de détails, permet d’immortaliser un moment unique et intense. “J’ai toujours adopté une façon de cadrer basée sur le bordel des corps qui s’entremêlent, les regards qui s’entrecroisent et qui finissent par s’ordonner”, commente-t-il.

Une ville “totalement multi-ethnique”
Klein affectionne particulièrement les coulisses des défilés de mode, où s’activent furieusement habilleuses, mannequins, photographes et coiffeurs, comme le montrent les nombreuses planches-contact, agrandies et marquées de feutre. À l’instar des photographies du carnaval de Saint-Denis, ou celles de la grande fête organisée au Centre Pompidou pour le passage à l’an 2000, il utilise beaucoup la couleur, évitant ainsi soigneusement l’image d’une “ville grise peuplée par des blancs” trop souvent décrite. Son Paris est plutôt “un melting-pot. Une ville cosmopolite, multiculturelle et totalement multiethnique, n’en déplaise à Le Pen”. Le regard de Klein est acide, ironique, mais surtout plein d’humour. En témoigne l’accrochage de l’exposition qui joue sur les oppositions et les rapprochements loufoques : la Gay Pride est associée à une réunion d’anciens combattants, le Bal des débutantes à la Techno Parade, un cocktail trop mondain à un salon de coiffure africain, la remise du Prix de l’arc de Triomphe à Longchamp à la Journée de l’armée d’Afrique et des troupes coloniales. Sont aussi exposées des photos entrées dans la légende, comme celle de Gainsbourg, prise en 1984 pour la pochette de l’album Love on the beat, ou l’affiche de son film Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, toujours placardée dans le bar du même nom, au cœur du quartier Latin. D’autres attestent de son attachement à certaines causes sociales : non loin de la place de la Nation, dans une danse magistrale, les sans-papiers demandent à Lionel Jospin d’être régularisés. Plus proche du document que de la recherche photographique, le travail de William Klein a valeur de témoignage et participe à l’écriture d’une histoire : celle de Paris, prise sur le vif, dans toute sa beauté, sa grandeur ou sa laideur.

- PARIS KLEIN, jusqu’au 1er septembre, Maison européenne de la photographie, 5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris, tél. 01 44 78 75 01, tlj sauf lundi, mardi et jours fériés, 11h-20h. Catalogue, éditions Marval, 344 pages, 69 euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°151 du 14 juin 2002, avec le titre suivant : Le Paris de William Klein

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