Le Paris de Mimmo

L'ŒIL

Le 1 juin 1998 - 395 mots

Mimmo Jodice est, avec Gabriele Basilico et Luigi Ghirri (malheureusement récemment disparu), l’un des meilleurs photographes italiens d’architecture. Fait remarquable lorsque l’on sait que l’Etat italien ne favorise en rien l’éclosion des photographes.
Ce qui explique sans doute l’intérêt que Jodice a porté à la commande faite par l’association Paris Audiovisuel en 1993 : une carte blanche pour réaliser un travail personnel sur la ville de Paris. Photographier la ville la plus photographiée du monde relève du défi. Mais Jodice ne s’est pas laissé intimider. Napolitain vivant à Naples, il a depuis ses débuts cherché à montrer « autrement » sa ville si complexe et dramatiquement poétique. Il a choisi un Paris parti pris. Il a opté volontairement pour
la Ville lumière, capitale du tourisme et reine des clichés. Il s’est servi des lieux communs – dans ce cas précis, véritables cartes postales de lieux emblématiques (la tour Eiffel, Notre-Dame, le Louvre, le Trocadéro, Beaubourg ou la Défense, mais aussi les bouches de métro, les bistrots, les ponts sur la Seine...) –, pour les gratter de leur vernis immuable à jamais touristique, les décrasser de leur symbolisme, les laver en quelque sorte, les mettre à nu.
A travers cette « visite guidée illustrée de Paris » comme il l’appelle, il a laissé pointer dans ses images une certaine violence face à l’indolence d’une ville magnifique en train de se muséifier de son vivant, et dont l’aura sacrée vient à s’essouffler. Paris surgit en noir et blanc, peuplé de monuments inquiétants. Des monuments troublants car redevenus anonymes, dépouillés de leur « déjà vu ». Enlevés les pigeons, les masses de touristes, les cars, les flashes ! Retirés les moments du quotidien, les anecdotes, les faux bérets et les fausses baguettes ! Dédorés de toute cette couche qui les fait briller habituellement, ces bâtiments « familiers » apparaissent comme suspendus dans le temps, dans le vide. Jodice les a photographiés trois ans durant, toujours en hiver, toujours à l’aube ou le soir quand la ville se vide. La lumière est rasante, les ombres s’allongent, la ville n’appartient plus qu’à elle-même, c’est-à-dire à Jodice. C’est ce Paris là qui vient d’entrer dans les collections de la Maison européenne de la photographie de la Ville de Paris.
Un catalogue est édité en français, anglais et italien par les éditions américaines Aperture.

Maison européenne de la photographie, jusqu’au 23 août.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°497 du 1 juin 1998, avec le titre suivant : Le Paris de Mimmo

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