Art contemporain

Venise (Italie)

Le Palazzo tapis

Palazzo Grassi jusqu’au 31 décembre 2013

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 juin 2013 - 407 mots

Grassi tapissé, des murs aux planchers. Passé la désagréable impression de pénétrer dans un show room de moquette « sérielle », que reste-t-il du palais vénitien ?

Après Urs Fischer en 2012, le Palazzo Grassi invite cette année Rudolf Stingel, artiste de culture germanique né à Merano (Italie) en 1956, à prendre possession des lieux. Discret, sinon rare en Europe, Stingel fait de l’espace d’exposition l’objet même de son intervention.
Ici, à Venise, il a fait reproduire le motif d’un ancien tapis kilim d’Azerbaïdjan, que l’artiste a déniché dans un livre, puis l’a fait agrandir afin de lui donner cet effet pixelisé, avant de l’imprimer à l’infini sur une moquette qui recouvre entièrement le palais, soit 7 500 m2 (avec les murs) d’un bâtiment ainsi chamboulé dans ses perspectives. Au mur de certaines salles sont accrochés des tableaux argentés. Certains sont abstraits, d’autres des portraits, d’autres encore des reproductions de détails de sculptures médiévales elles aussi trouvées dans de vieux bouquins. Dans les plus grandes salles, Stingel a placé ses plus petits tableaux, dans les petites salles ses plus grands.
Il ne faut pas se laisser aller à sa première impression, mais monter dans les étages. L’œuvre est difficile, austère même derrière son apparence décorative, minimaliste derrière son intrusion. Mais l’œuvre est immersive, il faut s’en imprégner, lui donner sa chance. Car, dès la première volée d’escaliers, le Palais dévoile de nouvelles perspectives, révèle ses dimensions, son architecture XVIIIe. Les marbres se découvrent, les arcanes de dessinent ; entièrement recouvert, le Palais témoigne d’une nouvelle beauté.
Et plus on grimpe les étages, plus on prend la mesure de l’œuvre qui se trame ici. Très vite, l’œil se prend au jeu, doit sans cesse faire la mise au point entre le « flou » (le tapis) et le « net » (les tableaux), entre l’abstraction et la figuration, le grand et le petit, la peinture et l’architecture. Sévère, l’œuvre deviendrait pour un peu romantique. Mélancolique en tout cas. Et alors qu’il continue son ascension, le corps réalise l’intensité de l’expérience qui lui est offerte ici, sensorielle – il faut toucher les murs –, acoustique, épidermique – il fait chaud au Palazzo.
Arrivé au dernier niveau, lorsque l’œil découvre le Palazzo Grassi dans son entier, le visiteur prend alors conscience de son élévation, aventure infiniment spirituelle. Un « chef-d’œuvre » ? N’exagérons pas. D’humilité ? Cela ne fait aucun doute.

« Rudolf Stingel »

Palazzo Grassi, Venise (Italie), www.palazzograssi.it/fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°659 du 1 juillet 2013, avec le titre suivant : Le Palazzo tapis

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