Le langage des objets

Syntaxe

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 1 mars 2016 - 440 mots

Tout en finesse, le Plateau donne la parole aux objets usuels et à leur capacité à se raconter eux-mêmes.

PARIS - Ces objets sont suffisamment étranges pour que le regard s’y arrête et que l’esprit se mette en branle : à quoi peuvent-ils bien servir ? Lisses et attirants, s’ils évoquent bien quelques usages potentiels, les « Tosch » de Camille Blatrix – dont le nom tient de lacontraction entre Macintosh et Toshiba – n’ont pourtant d’autre fonction que celle qu’ils peuvent éventuellement suggérer au spectateur curieux et intrigué (Tosch 3 et Tosch  4, 2015).

Les objets, pourtant, ne sont-ils pas pensés et conçus aux fins d’être manipulés ? C’est ce que donne à voir le film Middle Video (1972) de James Welling, alors étudiant, qui se focalise sur des objets dont les mouvements sont pensés pour élaborer des jeux de contrastes et de lumières, qui tiendront lieu de réflexion première au développement de sa pratique photographique à venir. Au Plateau-Frac Île-de-France, à Paris, dans une subtile exposition remarquablement accroché et imaginée par le critique d’art François Aubart, le visiteur ne se confronte pas à une problématique de la possible autonomie ou du dérèglement des objets. Ce qui intéresse le commissaire dans « De toi à la surface » tient plutôt dans la manière, chez les onze artistes réunis, dont les objets peuvent devenir acteurs de leur propre histoire et finalement se raconter ou discourir, en élaborant eux-mêmes un langage particulier.

Une installation magnifique de Barbara Bloom met en scène des objets posés sur un podium placé devant un écran, servant à en porter d’autres. Des photographies les évoquant sont encadrées sur le mur derrière, de l’autre côté seules leurs ombres chinoises se détachent, tandis que sur le mur opposé se répartissent les « fantômes » des cadres photos, des rectangles de couleur (Absence-Presence, 2006). Non loin de là Stuart Sherman manipule des objets devant la caméra, tel un magicien sans magie qui, face à la difficulté de s’exprimer, laisserait les objets développer leur propre vocabulaire et leur syntaxe narrative Selections from the Eleventh Spectacle (The Erotic), ca. 1979).
Cette question de la syntaxe langagière est remarquablement jouée par Jean-Pascal Flavien qui, en trois « Séquences » (2014) dispersées dans le centre d’art, a aligné des éléments de mobilier tous bleus,  dont la disposition et la répétition forment des phrases ordonnançant leur vocabulaire et leur grammaire. Dans son film Animate V (2006), Simon Dybbroe Møller explore avec des images léchées, à travers l’exemple de la voiture Renault Avantime, les mécanismes déclencheurs de désir de la publicité qui sont ici contrariés. Il pointe alors la possibilité de charger d’affect des objets inanimés, ce qui à travers la relation émotive revient à considérer leurs potentielles qualités humaines.

DE TOI À LA SURFACE

Jusqu’au 10 avril, Le Plateau, 22, rue des Alouettes, 75019 Paris, tél. 01 76 21 13 41, www.fraciledefrance.com, tlj sauf lundi-mardi 14h-19h.

Légende photo
Vue de l'exposition « De toi à la surface », au Plateau-Frac Ile-de-France, Paris, avec les oeuvres de Camille Blatrix. © Photo : Martin Argyroglo.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : Le langage des objets

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