Art contemporain

Le double regard sur le monde de Cyprien Gaillard

Palais de Tokyo, Paris-16e, et Lafayette Anticipations, Paris-4e – jusqu’au 8 janvier 2023

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 22 novembre 2022 - 342 mots

PARIS

Art Contemporain -  Les sacs de chantier (Love Locks, 2022) disposés à l’entrée du premier volet de l’exposition de Cyprien Gaillard font bien partie du parcours : contenant des tonnes de cadenas retirés des rambardes du pont des Arts où des couples de touristes les avaient accrochés en signe d’amour (grégaire et paradoxal), ils symbolisent l’impact que nous avons sur notre environnement, les verrous menaçant de faire s’écrouler sous leur poids les rambardes de l’édifice.

Celles-ci ont été remplacées par des parois en verre, un peu comme celles qui, dans l’exposition, protègent le tableau de Giorgio De Chirico (Oreste et Pilade, 1928). Ainsi isolé de l’atmosphère du Palais de Tokyo, peu propice à sa conservation, la peinture de De Chirico perd aussi de sa force, puisqu’il devient difficile de la regarder. À quel prix préservons-nous ce qui est fragile ou précieux, comme les œuvres d’art, maintenues à une température constante dans les musées ? Et quel regard porter, par exemple, sur les perruches vertes exotiques apparues dans le ciel des métropoles occidentales ? Constituent-elles un exemple inquiétant d’espèce invasive ou une forme de résilience de volatiles domestiques retournés à la vie sauvage ? À travers un ensemble de sculptures et de vidéos, jouant volontiers des juxtapositions d’images, l’artiste évoque la complexité du monde dans lequel nous évoluons, sans se départir d’un point de vue esthétique. Strates géologiques, collusions temporelles, technologies de pointe – qu’il s’agisse d’imprimer un logo sur une marqueterie de marbre ou de déployer la spectaculaire installation vidéo KOE //, 2022 – sont au service d’une démonstration qui ne s’impose jamais au premier plan. Né en 1980, lauréat du prix Marcel Duchamp en 2010, Cyprien Gaillard a aussi pris plaisir à instaurer des dialogues avec les œuvres de quelques artistes choisis, tels les tableaux à la poudre d’acier pulvérisée de Daniel Turner (Eiffel Cable Burnish, 2022) ou L’Ange du foyer (1937) de Max Ernst animé par un ventilateur holographique. Libre à chacun de poursuivre la réflexion, et l’immersion dans une exposition brillante, dont le second chapitre se tient à Lafayette Anticipations.

« Cyprien Gaillard. Humpty\Dumpty »,
Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson, Paris-16e, et Lafayette Anticipations, 9, rue du Plâtre, Paris-4e, palaisdetokyo.com et lafayetteanticipations.com

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°760 du 1 décembre 2022, avec le titre suivant : Le double regard sur le monde de Cyprien Gaillard

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque