Giverny

Le dessin XIXe dans tous ses états

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2012 - 587 mots

L’accrochage des dessins XIXe de la collection Dyke met en lumière les nombreuses évolutions du « siècle du dessin ».

GIVERNY (EURE) - James T. Dyke n’est pas un inconnu en France. En 2001, le Musée Marmottan à Paris proposait « Les Aquarelles de Paul Signac », réunissant les plus belles feuilles du peintre postimpressionniste rassemblées par l’Américain et données à l’Arkansas Arts Center. Aujourd’hui, le Musée des impressionnismes, à Giverny, en collaboration avec la National Gallery of Art de Washington, révèle au grand jour la sagacité de l’œil du collectionneur né en 1938 à Little Rock (Arkansas). Il faut imaginer que la centaine de dessins, aquarelles, gravures et pastels couvrant un siècle d’art français, ici présentée, ne constitue qu’un reflet des collections élaborées par James T. Dyke depuis les années 1970. Caractérisée par la grande qualité des œuvres souvent signées d’artistes dits mineurs, la sélection illustre la philosophie de son propriétaire : « D’abord, beaucoup de “petits” maîtres ont créé une ou plusieurs œuvres exceptionnelles. Ensuite, les catégories délimitées par l’histoire de l’art ne rendent pas compte des fluctuations de style que même des artistes célèbres manifestent parfois. Par exemple, personne ne dirait que Delacroix est un peintre impressionniste à proprement parler. Mais voyez donc ses Falaises en Normandie », écrit James T. Dyke. La cohérence de l’ensemble tient en effet dans la surprise que provoquent les œuvres de taille souvent imposante : une immense marine au pastel d’Eugène Isabey, propre à donner le mal de mer ; un crépuscule à l’aquarelle par Gustave Doré, qu’Helen Frankenthaler n’aurait pas renié ; un effet de soleil derrière les nuages à l’aquarelle, un petit format à l’équilibre exquis peint à la dérobée par Henri Joseph Harpignies…

L’accrochage retraçant les grands tournants du « siècle du dessin » qu’est le XIXe siècle français, pourrait sembler hétéroclite s’il ne multipliait pas les associations sur le thème de la variation subtile. Sur le même mur, Delacroix y est vu sous trois angles : le portrait esquissé dans l’esprit d’un carnet de voyage au Maroc, l’étude historique appliquée d’un cavalier anglais, et les fameuses falaises de Normandie révélant son travail sur la lumière. Car le collectionneur américain n’est pas sectaire : tous les médiums, formats, sujets, les destinations (esquisses, dessins préparatoires ou œuvre à part entière) sont représentés. Signalons enfin Deux repasseuses  d’Edgar Degas, que Gary Tinterow, à la tête du Museum of Fine Arts de Houston, considère comme postérieur à la célèbre toile du Musée d’Orsay. Ce qui la rend d’autant plus précieuse...

Une belle ébauche

Parallèlement à l’exposition des dessins Dyke, le Musée des impressionnismes consacre une salle à la présentation de son (très) modeste fonds, un embryon de collection démarré au moment de la création de l’EPCC en 2009. Un fonds si chétif qu’il est étoffé de prêts à plus ou moins long terme (Joan Mitchell, La Grande Vallée, un dépôt du Frac Haute-Normandie ; Claude Monet, Nymphéas avec rameaux de saule, prêté par Lycée Claude Monet, Paris), au fil desquels transparaissent les amitiés du musée (Claire Denis, la Fondation Terra, Philippe Piguet…). Un superbe Maurice Denis (Reflet de soleil sur la rivière, v.1932), un duo de tableaux de Maximilien Luce et un chapelet de photographies contemporaines figurent parmi ces premières acquisitions menées avec courage sur un marché aux prix prohibitifs. Le président des musées d’Orsay et de l’Orangerie, Guy Cogeval, a réaffirmé pour sa part sa volonté d’aider le musée normand à passer à la vitesse supérieure avec, en ligne de mire, l’organisation d’une grande exposition Degas en 2014.

DE DELACROIX À SIGNAC. DESSINS DE LA COLLECTION DYKE

Jusqu’au 31 octobre, Musée des impressionnismes, 99, rue Claude Monet, 27620 Giverny, tél. 02 32 51 94 65, www.mdig.fr, tlj 10h-18h. Catalogue, coéd. musée et National Gallery of Art, Washington, 176 p., 35 €

- Commissariat : Marina Ferretti Bocquillon, directeur scientifique du Musée des impressionnismes Giverny
- Itinérance : National Gallery of Art, Washington, 27 janvier 2013 – 26 mai 2013

Voir la fiche de l'exposition : De Delacroix à Signac - Dessins de la collection Dyke

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°376 du 5 octobre 2012, avec le titre suivant : Le dessin XIXe dans tous ses états

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