Louvre

Le dessin à Bologne 1580-1620

Trois cents dessins des Carrache et de leurs disciples

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 540 mots

Depuis 1961, le Cabinet des dessins du Musée du Louvre n’avait plus consacré d’exposition à son remarquable ensemble d’œuvres de la famille Carrache. C’est chose faite aujourd’hui, sous un angle scientifique assez audacieux, grâce à Catherine Legrand, conservateur au département des Arts graphiques, qui présente cent trois dessins du fonds du Louvre dus aux Carrache et à leurs disciples.

PARIS - Le but du conservateur, qui s’inscrit dans la lignée des récentes expositions consacrées à l’œuvre peint des artistes émiliens et tout particulièrement l’excellente "Nell’eta di Corregio e dei Carracci" (Bologne, Washington, New York, 1986), est de prouver que le dessin est un instrument privilégié pour comprendre la réforme stylistique entreprise par Ludovico et son cousin Annibale.

En effet, avant même que les fresques du palais Farnèse ne révèlent le nouvel idéal classique, leur œuvre à Bologne rompait résolument avec le maniérisme élégant de Samacchini ou de Tibaldi : en exposant essentiellement des études, partielles ou d’ensemble, pour les grandes compositions religieuses ou décoratives, Catherine Legrand veut montrer qu’ils imposèrent, dès le décor du palais Fava (vers 1583), un retour au réel, fondé sur l’étude directe de la nature et du quotidien, inspiré en partie par l’exemple vénitien. Certes, Caravage élabore au même moment, dans cette même optique, une révolution plus drastique, mais les Carrache, eux, pratiquaient l’art du dessin qui transmet toute la spontanéité de leurs recherches. Bien que les paysages d’Annibale soient particulièrement révélateurs de ce retour au naturel, toujours nuancé par des compositions équilibrées, ils ne sont qu’à peine représentés dans l’exposition, les collections du Louvre posant trop de questions d’attribution dans ce domaine. Signalons un Paysage nocturne, dessin inédit attribué à Albani.

Six sur dix des dessins exposés sont l’œuvre des Carrache ; on trouvera quelques-unes des plus belles feuilles d’Annibale, et quelques changements d’attribution : Catherine Legrand rend à Annibale un dessin (plume et encre grise) d’un Bal champêtre, attribué à Agostino pour ses rapports avec La Fête milanaise de Marseille ; un autre, Jupiter et Latone, recto-verso, attribué à Domenichino, serait en fait un dessin d’Annibale pour le décor de Domenichino au palais Odescalchi (1609), ce qui prouverait que, même malade, il continuait à dessiner. L’œuvre, encore bien mal connu, d’Agostino est particulièrement mis en valeur avec vingt et un dessins qui permettent un jeu d’attributions : une étude de prophète rend la voûte de la chapelle Gessi à Santa Maria della Pioggia (Bologne) à Agostino, comme l’affirmait Malvasia.

L’œuvre bolonais de Ludovico et de ses élèves est bien la pièce de résistance de cette exposition : à côté de la beauté formelle de leurs dessins, de techniques très diverses, notons plusieurs attributions par les tableautins qui entourent La Madone du Rosaire  de San Domenico de Bologne (à Garbieri, à Cavedone) et une Tête de saint en extase, dessin inédit donné à Cagnacci. Cavedone et Bononi, connus des seuls spécialistes, sont fort bien représentés.

La découverte de nombreux dessins, les nouvelles propositions d’attribution intéresseront donc l’amateur, tout comme l’encadrement soigneux qui laisse voir les montages anciens à partir desquels on a pu identifier la provenance exacte des feuilles du fonds royal.

• "La Réforme des trois Carracci, le dessin à Bologne 1580-1620", Musée du Louvre, Pavillon de Flore, 3 juin - 5 septembre 1994.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Le dessin à Bologne 1580-1620

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