Le corps par Bourdelle et Rodin

Est-ce pour cette raison qu’à l’entrée de l’exposition, deux sculptures portant le même titre, Adam, l’une réalisée par Auguste Rodin en 1880 et l’autre par Antoine Bourdelle en 1888, se tournent le dos ? Si la sculpture de Rodin (1840-1917), légèrement torsadée, dégage une intense expressivité, celle de Bourdelle (1861-1929) semble plus repliée sur elle-même. Cet écart expressif se retrouve tout au long du parcours thématique, qui met en lumière deux artistes passionnés par un sujet central de la sculpture : le corps humain. L’articulation du parcours, à travers des sections pertinentes telles que « La main, un portrait en acte », « Le masque, un abrégé saisissant » ou encore « Le torse, une présence radicale », révèle souvent des visions contrastées de l’acte artistique. Grâce à un dispositif pédagogique clair et accessible, le visiteur découvre ainsi l’importance du fragment chez Rodin. La magnifique Iris, messagère des dieux (1894), ce corps sans tête, ce geste d’une énergie extrême s’impose comme une œuvre à part entière. Chez Bourdelle, en revanche, la Main crispée n’est qu’une étude préparatoire pour le Monument aux combattants (1900). De même, tandis que sa frise pour le Théâtre des Champs-Élysées (1912) conserve un aspect narratif, voire décoratif, La Porte de l’Enfer de Rodin se distingue par l’explosion de corps entremêlés. En commentant son puissant portrait de Rodin (1910), Bourdelle évoque le Moïse de Michel-Ange et affirme : « Si Rodin avait à peindre un Jugement dernier, il choquerait là où Michel-Ange a choqué, et au même niveau. » On ne saurait mieux dire.