Foire & Salon

ART CONTEMPORAIN

Le corps fragmenté de Sara Masüger

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 28 novembre 2018 - 447 mots

Après sa résidence au Centre de recherche Michelin, la sculptrice suisse déploie ses empreintes physiques au Frac Auvergne.

Clermont-Ferrand. C’est la première exposition monographique en France de cette artiste suisse dont la pratique, depuis des années, se concentre sur la sculpture. Sara Masüger est née en 1978, elle travaille, à Zurich, dans un atelier aménagé au fond du jardin de la maison familiale. Si elle a déjà quelques pièces dans des collections publiques helvètes, elle demeurait jusqu’ici inconnue dans l’Hexagone. Malgré cette absence de notoriété, les chiffres de fréquentation du Fonds régional d’art contemporain (Frac) Auvergne sont plutôt bons avec environ 5 000 visiteurs en l’espace d’un mois. À cela plusieurs explications : d’abord, Sara Masüger a accompli une résidence de quelques semaines au Centre de recherche de l’usine Michelin, inaugurant, dans le cadre du dispositif Art et entreprises, un programme local au sein de la firme auvergnate spécialiste du pneumatique. Une partie des œuvres présentées au Frac rend compte de cette expérience, qui a offert à la jeune femme, guidée par des techniciens qualifiés, d’explorer le potentiel plastique du caoutchouc. Visages pris dans une gangue comme des larves dans un cocon, irridescences inattendues de la gomme durcie soumise à de fortes températures et patinée à la façon – presque – d’un bronze… Même en changeant de matériau, de technique, mais aussi d’environnement, Sara Masüger est restée fidèle à son sujet de prédilection : la dimension physique de l’être, l’impossible représentation d’une identité sous une forme arrêtée.

« Les thématiques liées au corps parlent à un public large », observe Jean-Charles Vergne, le directeur du Frac. Or, la sculpture de Sara Masüger ne traite que de cela. Et de la répétition, tentative condamnée à ne produire ni du même, ni du nouveau. Le caractère obstiné, obsessionnel, de cette sculpture réitérée, tour à tour liturgique ou clinique, se double d’une dimension performative. L’artiste l’évoque volontiers, bien que cet aspect de son travail reste confiné à l’espace de l’atelier ; chaque pièce procède en effet d’une prise d’empreinte sur soi, petite chorégraphie de contorsions pour tenter de s’appréhender par morceaux, ici une oreille, là une main. Ou un visage, démultiplié, comme dans Dictation, dont on ne sait s’il jaillit du sol ou au contraire s’y épand. Enfin, il y a dans la dernière salle cette pièce Restored reaction [voir illustration], dont l’image sert de visuel à l’affiche de l’exposition. C’est une silhouette androgyne, accroupie au-dessus d’une flaque noire, abîmée semble-t-il dans la contemplation de son reflet. Le classicisme figuratif apparent de cette représentation étonne ou rassure, c’est selon. Elle fait ici office de point d’orgue dans un parcours scandé par la recherche d’un sens à donner au langage de la sculpture.

Sara Masüger,
jusqu’au 6 janvier 2019, Frac Auvergne, 6, rue du Terrail 63000 Clermont-Ferrand, www.fracauvergne.com.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : Le corps fragmenté de Sara Masüger

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