XVIIE SIÈCLE

Le Bottin mondain de Rubens

Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2017 - 728 mots

Le Musée du Luxembourg aligne les portraits princiers et quelque peu rigides du peintre anversois, au risque de donner une image tronquée de son génie.

Paris. L’exposition de rentrée du Musée du Luxembourg « Rubens, Portraits princiers » répond en tout point aux trois axes de programmation du lieu : « La Renaissance en Europe », « Art et pouvoir » et « Le palais, le jardin et le musée : le Luxembourg au cœur de Paris, capitale des arts ». Pierre Paul Rubens, peintre flamboyant d’une Renaissance finissante, Européen dans ses périples, est exposé à travers ses portraits de cours, symboles de pouvoir et de diplomatie, dans le palais même de Marie de Médicis, qui lui passa commande d’un de ses chefs-d’œuvre, le cycle « La Vie de Marie de Médicis », installé au Luxembourg dès sa livraison en 1625. « Par un singulier paradoxe pour cet artiste toujours respecté et étudié, une part essentielle de son œuvre n’a jamais été abordée en tant que telle : ses portraits officiels », note le commissaire de l’exposition Dominique Jacquot dans le catalogue. C’est donc au portrait officiel, et plus particulièrement aux portraits des familles souveraines, que s’intéresse l’exposition.

Dès l’introduction du parcours, une grande généalogie accueille le visiteur : elle permet de comprendre comment sont liées les cours européennes, de Mantoue à Bruxelles, de Paris à Madrid, avec, au centre, Marie de Médicis. « Cette exposition est aussi un album de famille de Marie de Médicis », explique le texte introductif. Cette mise au point de départ aurait pu suffire : l’omniprésence des arbres généalogiques dans chaque salle du parcours, déroulant les noms de chaque membre des familles régnantes, laisse une légère impression de bottin mondain. On découvre les portraits princiers sur les pas de Rubens, d’abord en Italie à la cour du duc de Mantoue, puis à Bruxelles au service de l’archiduc Albert et de son épouse Isabelle Claire Eugénie, en visite en Espagne auprès du roi Philippe IV, et enfin en France, à la demande de Marie de Médicis. Peintre, émissaire, diplomate et courtisan, Pierre Paul Rubens multiplie les missions, avec succès. Ce récit est passionnant.

Un protocole pesant relégué à ses assistants
Mais l’écueil majeur de l’exposition réside dans la petitesse du corpus étudié ici : le portrait princier. Il ne représente qu’une cinquantaine d’œuvres sur plus de 1 500 exécutées par Rubens, le plus souvent aidé de son atelier ou de collaborateurs. « Son désir est de réussir dans le domaine de la peinture d’histoire et non dans celui du portrait », note à juste titre l’historien de l’art David Mandrella dans le catalogue. Rubens peint à loisir son entourage, son épouse Hélène Fourment avec sensualité, ses enfants avec tendresse et ses amis avec jovialité, comme l’avait montré l’exposition « Rubens privé » en 2015 à Anvers. Les portraits officiels sont régis par des codes diplomatiques et protocolaires auxquels doit se plier Rubens : tout n’est que contrainte. Et le peintre délègue parures, vêtements et paysages aux mains de son atelier. La main du maître se dérobe souvent, éclipsée par les soieries, les pierres précieuses et les dentelles.

Par moments pourtant, la virtuosité de Rubens éclate : ainsi dans le Portrait de Louis XIII (1622, Melbourne, National Gallery de Victoria), d’une grande vivacité psychologique. C’est le seul portrait à l’huile réalisé face au modèle (Rubens préférait le crayon lors des séances de pose). De ce prototype, le peintre exécutera ensuite un Portrait de Louis XIII (Pasadena, The Norton Simon Fondation) plus posé, mais magistral. La comparaison avec les portraitistes de son temps offre une séquence très intéressante autour de Marie de Médicis. À quatre portraits monumentaux de Pourbus, Van Honthorst et Van Dyck répond un portrait inachevé de Rubens (1622, Musée du Prado). Tour à tour puissante reine de France, reine douairière, puis reine en exil, les portraits de Marie de Médicis documentent les aléas politiques auxquels la reine fait face. Le Portrait de Marie de Médicis de Van Dyck (1631, Musée des beaux-arts de Bordeaux) en particulier, frappe par son dépouillement et la résignation affichée sur le visage de la souveraine : exilée aux Pays-Bas, elle commence une période d’errance et mourra à Cologne en 1642. En toute fin de parcours, un magnifique Autoportrait (1623, Londres, The Royal Collection) clôt l’exposition : le peintre se représente en courtisan, portant une chaîne en or, cadeau traditionnel des princes.

Rubens Portraits Princiers,
jusqu’au 14 janvier, Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris.
Légende photo

Peter Paul Rubens, Portrait de Louis XIII, roi de France, vers 1622-1625, huile sur toile, 118,1 x 96,5 cm, The Norton Simon Foundation, Pasadena © The Norton Simon Foundation, Pasadena

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Le Bottin mondain de Rubens

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