L’art sur la Passerelle

Attaqué, le Frac Bretagne défend sa politique

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2000 - 483 mots

Au moment où le Frac Bretagne est victime d’attaques du Conseil régional (lire l’encadré), l’institution présente quelques-unes des plus belles pièces de sa collection au Centre d’art Passerelle, à Brest, un espace de 4 000 m2 géré par une association.

BREST - Rares sont les grands bâtiments ayant résisté aux bombardements qui ont très largement détruit la ville de Brest au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans un quartier miraculeusement épargné se dresse un ancien bâtiment industriel tout de béton conçu, aux grands volumes clairs et fonctionnels, aujourd’hui transformé en vaste espace d’exposition. Le Frac Bretagne a été invité à y déployer, jusqu’au 11 mars, quarante-six œuvres de sa collection évoquant le rapport entre l’art et l’architecture, à travers sculptures, installations, peintures, photographies ou vidéos. En entrant dans le vaste patio éclairé par une grande verrière, le visiteur découvre l’Auditorium de Franz West, un ensemble de sofas recouverts de tapis dont seule la moitié est montrée ici. On peut s’y installer à son aise ou leur préférer l’Adjustable Wall Bra de Vito Acconci, un gigantesque soutien-gorge qui nous offre ses confortables bonnets. Les plus sérieux choisiront la mini-bibliothèque d’Andrea Blum, un espace isolé pour la lecture de livres sur l’art. Le balcon qui surplombe cet espace réunit des œuvres en deux dimensions liées à l’architecture : photographies de Bernd et Hilla Becher, de Lewis Baltz, Karen Knorr, Thomas Ruff, Gordon Matta-Clark ; marqueterie d’Hubert Duprat ; peinture d’Yves Belorgey… Des traces rouges sur les poutres en béton du plafond pourront intriguer ; elles font partie de la pièce de Felice Varini, Quatre cercles à cinq mètres rouge, n° 1 Paris, présentée pour un an dans une salle donnant sur la rue. D’autres œuvres de grandes dimensions sont également laissées en dépôt par le Frac à Brest : le néon de François Morellet, šrococo, installé sur la façade du centre d’art, et la Domus Aurea-Construction IV d’Anne et Patrick Poirier, vaste ruine dont les pieds baignent dans l’eau. Non loin, toujours au premier étage, sont exposées des œuvres issues de réflexions sur l’architecture d’intérieur et le mobilier, des créations de Rutault, Langlands & Bell, Calzolari, Gary Hill, Rachel Witheread ou Haim Steinbach, avec une œuvre importante jouant sur le recto et le verso. L’exposition propose encore des pièces d’Adams, Aubry, Balka, Carré, Coignet, Collyer, Convert, Dinhaet, Downborough, Laib, Lawler, Mouraud, Nordman, Saulnier, Vermeiren, Wallace ou Walther, faisant ainsi état du haut niveau des œuvres de la collection, en même temps que de sa cohérence. “Espace, modes d’emploi” vient à propos démontrer le rôle essentiel du Frac Bretagne pour la diffusion et la connaissance de la création contemporaine dans une région jusque-là dépourvue de musée consacré à l’art actuel.

- ESPACE, MODES D’EMPLOI, ŒUVRES DE LA COLLECTION DU FRAC BRETAGNE, jusqu’au 11 mars, Centre d’art Passerelle, 41 rue Charles Bertholot, Brest, tél. 02 98 43 34 95, www.passerelle.infini.fr, tlj sauf dimanche et lundi 14h-18h30.

Le Frac Bretagne attaqué

Depuis quelques mois, les principes qui ont régi la constitution de la collection et guidé les actions du Frac Bretagne sont remis en cause. Sur un budget voté de 4,5 millions de francs, dont 2 versés par l’État et 2,5 par la Région, le Frac a finalement perdu un million en 1999, la Région ayant réduit sa participation d’autant. Le Frac semble en effet être devenu la bête noire de Jean-Yves Cozan, vice-président (divers droite) du Conseil régional de Bretagne chargé des Affaires culturelles. Dans un entretien accordé au périodique L’avenir de la Bretagne (sept.-oct. 1999), il a déclaré : “93 % de l’argent dépensé par le Frac concernent des œuvres d’artistes étrangers à la Bretagne. C’est le financement d’une politique de petits copains du ministère de la Culture. On gaspille l’argent des Bretons”?. Insidieusement, un discours d’extrême-droite semble s’infiltrer parmi la classe politique, le slogan “la France aux Français”? devenant au niveau local “la Bretagne aux Bretons”?. Les artistes vivant en Bretagne ont vivement réagi aux propos du conseiller régional, en lui adressant une lettre ouverte restée sans réponse. Aujourd’hui, un nouveau comité technique du Frac a été nommé par le dernier conseil d’administration, mais d’autres bouleversements pourraient intervenir dans les semaines à venir. Pendant ce temps, le Frac continue la politique de diffusion de sa collection en région, tout en souhaitant pérenniser sa présence par la création de lieux relais à Rennes, Lorient et Brest.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°100 du 3 mars 2000, avec le titre suivant : L’art sur la Passerelle

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