Centre Pompidou

L’art primitif prend place à Beaubourg

La donation Susi Magnelli

Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 566 mots

Alberto Magnelli est moins connu comme collectionneur d’art africain que comme peintre. Grâce à sa veuve Susi Magnelli, une partie de sa collection – trente sculptures – entre définitivement au Musée national d’art moderne (MNAM). À l’occasion de cette donation, statues, masques et instruments de musique sont exposés à côté des œuvres du peintre. Une exposition qui démontre une fois de plus les affinités entretenues par les artistes \"modernes\" avec l’art primitif.

PARIS - "C’est à Marseille, un jour de 1913, que j’ai découvert l’art nègre", racontait Alberto Magnelli en 1970. "Je flânais sur le Vieux-Port, quand un marin me proposa des sculptures africaines. Je fus aussitôt fasciné (...). J’achetais sans hésiter, un masque fort cher pour l’époque (...)".

À l’instar d’artistes comme Matisse, Max Jacob, Picasso ou Léger dont il était l’ami, Magnelli se passionne pour "l’art nègre". Ce peintre d’origine florentine, disparu en 1971, dont l’œuvre s’étend du Cubisme à l’Abstraction, s’était installé à Paris dans les années trente. Il a constitué durant cette période l’essentiel de sa collection d’art africain.

Il s’entoure de nombreuses sculptures aux formes à la fois nouvelles et "primitives", dont la présence forte le séduit. "Ce qui m’attire spécifiquement dans l’art nègre, c’est avant tout la puissance plastique et l’invention des formes", écrit-il en 1967 dans le catalogue du Musée de l’Homme, Arts primitifs dans les collections d’artistes.

Pourtant, il est plus difficile de déceler une influence directe de la statuaire africaine sur l’œuvre picturale de Magnelli que chez Picasso, par exemple. Seule peut-être la série des Pierres, de 1931-1934, dans la construction des volumes et la simplification des formes, montre la fascination du peintre pour le lent travail du sculpteur africain. Le peintre entretenait un lien plutôt intime, affectif avec sa collection. Il y était viscéralement attaché, quitte à partir avec ses sculptures l’été dans son atelier à Grasse, ou bien encore à échanger ses propres toiles contre des objets africains.

L’exposition tente de recréer l’univers de l’artiste, où se côtoient aussi bien les pièces de sa collection qu’une partie de sa production, peintures et dessins de 1914 à 1967, ainsi que quelques photographies de Magnelli dans son atelier.
 
Ces objets rejoindront la collection d’art africain du MNAM, qui compte déjà le célèbre fétiche Yombé d’Apollinaire, un masque Fang ayant appartenu à Derain et Vlaminck, la donation Michel Leiris etc… La majorité des masques et statues de la donation sont originaires de l’Afrique occidentale et équatoriale. Les figures provenant de la Côte-d’Ivoire et du Gabon ou de sa région reflètent bien le goût de l’époque. Les artistes étaient en effet en contact avec un style spécifique qu’illustrent les statuettes Baoulé et les figures de reliquaires Fang du Gabon, aux formes arrondies et harmonieuses.

Une esthétique qui se retrouve dans une statue Bambara du Mali, mais avec des traits nettement plus anguleux, ou bien encore dans une drôle de cuillère anthropomorphe de la Côte-d’Ivoire. De cette unité formelle, émergent des objets du Zaïre, comme un masque d’initiation Pendé ou une hache de prestige, seul objet Luba.

"La collection africaine d’Alberto Magnelli (donation Susi Magnelli)" - MNAM-CCI, Galerie du musée, 4e étage, Centre Georges-Pompidou, du 1er février au 20 mars. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 12 h à 22 h. Samedi, dimanche et fêtes de 10 h à 22 h. Tél : 44 78 12 33. Catalogue, 80 p, 50 F, 37 ill. noir et blanc.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : L’art primitif prend place à Beaubourg

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