Art moderne

Strasbourg (67)

La violence et le sacré de Huysmans

Musée d’art moderne et contemporain

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 24 novembre 2020 - 301 mots

Sans doute une exposition littéraire manque-t-elle systématiquement son objet : elle ne peut remplacer la lecture.

Il n’empêche. Celle que le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg consacre à Joris-Karl Huysmans réussit la prouesse de nous faire entrevoir l’esthétique et l’univers de l’auteur d’À Rebours et de Là-bas, qui fut aussi amateur d’art et chroniqueur de la vie parisienne. Au Musée d’Orsay, la version initiale de l’exposition, scénographiée par l’artiste contemporain Francesco Vezzoli, avait pourtant été quelque peu décevante – on n’y retrouvait guère l’esprit de Huysmans et le plaisir de sa lecture. Mais son volet strasbourgeois, enrichi, retravaillé, fait surgir avec verve chez les amateurs de l’écrivain leurs souvenirs littéraires, comme il attise la curiosité de ceux qui le deviendront. En route ! À travers des manuscrits, des tableaux et des objets rares, raffinés, et quelques pièces contemporaines évoquant subtilement l’univers esthétique de cet écrivain décadent qui se convertit au catholicisme, on progresse dans le monde inquiet de Huysmans, découvrant ses embrasements esthétiques, ses paradis artificiels, sa quête mystique. Les œuvres d’art qui l’ont marqué scandent cette promenade : ce sont celles des peintres hollandais et flamands qui inspirèrent son premier recueil de poèmes, celles de ses contemporains qu’il défendit au Salon (LesRaboteurs de parquet de Caillebotte ou L’Absinthe de Degas), celles encore d’Odilon Redon, qui incarnent le mieux son « fantastique de maladie ou de délire », et enfin l’art chrétien qui accompagna sa fièvre mystique. On peut s’étonner cependant que sa Sainte Lydwine de Schiedam, qui raconte l’existence d’une sainte du XVe siècle alitée, ne soit pas évoquée dans la dernière partie de cette exposition soucieuse pourtant de retracer avec précision l’œuvre de l’écrivain. Un texte sans doute trop enflammé dans ses extases, trop terrifiant dans ses descriptions d’un corps souffrant pour notre époque qui préfère prendre quelques précautions.

« L’œil de Huysmans : Manet, Degas, Moreau »,
MAMCS, 1, place Hans-Jean-Arp, Strasbourg (67), www.musees.strasbourg.eu

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : La violence et le sacré de Huysmans

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